2.1.1. Choix du format de segmentation

Wise, Olson, Anstett, Andrews, Terjak, Schneider, Kostuch et Kriho (1989) ont fait entraîné des enfants de troisième à la sixième année d’apprentissage selon le principe de la rétroaction verbale sur des unités infralexicales comme l’attaque-rime ou la syllabe. Un groupe contrôle soumis à aucun entraînement a également participé à cette expérience. Si la maîtrise d’unités infralexicales joue un rôle dans l’apprentissage de la lecture, alors un entraînement sur ces unités devrait permettre une amélioration des habiletés de décodage, comparativement à une rétroaction ne portant que sur le mot entier. Un effet de transfert sur la reconnaissance des mots était également attendu. Les résultats ont montré que tous les sujets ayant participé à cette expérience ont amélioré leurs performances en lecture par rapport à un groupe contrôle n’ayant pas suivi cet entraînement. Un effet significatif du type de segmentation par rapport à la condition mot entier est également relevé. Les sujets de la condition attaque-rime ont amélioré leur performance en décodage, par rapport aux sujets des conditions syllabe et mot entier. Les auteurs ont néanmoins relevé que ce résultat ne donnait pas lieu à un transfert de connaissance quant à la reconnaissance de mot.

Pour affiner davantage le type de segmentation le plus bénéfique aux enfants en difficultés d’apprentissage, Wise (1992) a réalisé une expérience auprès d’enfants en première année d’apprentissage. Ces enfants étaient normo-lecteurs ou lecteurs en faible difficulté, distingués en fonction de leur âge en deux sous groupes, lecteurs en difficulté de jeune âge et lecteurs en difficulté plus âgés. Quatre formats de segmentation étaient proposés en rétroaction verbale : mot entier, syllabe, attaque-rime et phonème. La syllabe était comprise sous la forme de la BOSS (Taft, 1979), soit la structure syllabique orthographique de base qui préserve les unités morphémiques dans les mots polymorphémiques, par exemple la segmentation « chant/er » pour « chanter ». Les résultats ont montré que le phonème était l’unité la moins performante pour améliorer la reconnaissance visuelle de mot. Ces résultats étaient comparables à ceux de Spaii, Reitsma, et Ellermann (1991). Les trois autres formats de segmentation ont abouti à des performances équivalentes. Cependant, le format de segmentation interagissait avec le niveau de lecture et de la longueur du mot. Pour les mots polysyllabiques, les faibles lecteurs de jeune âge ont bénéficié davantage d’une segmentation syllabique ou de la prononciation du mot entier. Pour les faibles lecteurs plus âgés, la segmentation attaque-rime était la plus avantageuse. Enfin pour les mots monosyllabiques, la segmentation syllabique et l’attaque-rime conduisaient à des performances comparables chez l’ensemble des sujets.

Olson et Wise (1992) ont utilisé de nouveau la rétroaction verbale dans la lecture de texte, en limitant la prononciation à l’attaque-rime, la syllabe et au mot entier, compte tenu de l’absence de résultat pour la segmentation phonémique. Des enfants de dix ans d’âge, faibles lecteurs en légères et sévères difficultés d’apprentissage de la lecture ont été soumis à un entraînement de lecture de textes avec rétroaction verbale. Un groupe contrôle a simplement suivi l’enseignement en classe. Les résultats n’ont montré aucun bénéfice des trois formats de segmentation. Les auteurs ont cependant relevé qu’au niveau des habiletés de décodage, les enfants en grande difficulté d’apprentissage ont davantage tiré profit d’une rétroaction syllabique, tandis que les lecteurs en moindres difficultés sont davantage bénéficié d’une rétroaction en attaque-rime.

Wise, Ring et Olson (1999) ont réexaminé l’hypothèse d’un facteur articulatoire impliqué dans l’élaboration des habiletés phonologiques (Wise, & Olson, 1995 ; Wise, Ring, Sessions, & Olson, 1997), et ont émis l’hypothèse que des enfants présentant une faible conscience phonémique devraient davantage bénéficier d’une remédiation fondée sur un entraînement explicite des relations entre les gestes articulatoires, leurs correspondance grapho-phonémiques et leurs combinaisons au sein des mots. Trois groupes d’enfants de la troisième à la cinquième année d’apprentissage ont été constitués. Chacun de ces groupes a reçu un entraînement spécifique visant à l’amélioration des habiletés phonologiques dans une perspective comparative. Un groupe a été entraîné explicitement sur les relations entre gestes articulatoires, correspondances grapho-phonémiques et leurs combinaisons à l’aide d’exercices spécifiques d’orthographe. Un autre groupe d’enfants a été entraîné à manipuler les phonèmes et leurs relations comme précédemment, mais sans jamais recevoir d’instruction explicite sur les gestes articulatoires. Et enfin un troisième groupe a été entraîné uniquement sur les relations entre gestes articulatoires et phonèmes, mais sans jamais manipuler explicitement les phonèmes au sein d’exercices spécifiques. Tous les enfants ont également bénéficié d’un entraînement à la lecture de texte assisté par rétroaction verbale. Un groupe contrôle a simplement suivi l’enseignement en classe. Les enfants pour lesquels l’entraînement avait porté sur l’explicitation des relations grapho-phonémiques et leurs combinaisons, conjointement à l’explicitation de leurs gestes articulatoires, devraient être les enfants pour lesquels s’observerait la plus grande amélioration des habiletés phonologiques ainsi qu’un transfert des apprentissages. Les résultats ont montré que les enfants entraînés ont considérablement amélioré leurs performances en fonction du type d’entraînement reçu par rapport au groupe contrôle. Cependant les auteurs n’ont pas rapporté de différence significative entre les trois types d’entraînement. Aucun effet d’un entraînement articulatoire n’a pu être mis en évidence. Bien qu’un entraînement visant à la mise en relation des phonèmes et leurs combinaisons au sein des mots améliore la conscience phonémique des enfants dans une plus large part que pour les enfants n’ayant reçu qu’un entraînement articulatoire, aucun effet de transfert d’apprentissage n’a été observé dans cette condition. Les auteurs ont conclu que les entraînements phonologiques permettaient certes d’améliorer les performances, mais que cette étude n’a pas permis de savoir comment les habiletés phonologiques de décodage se développaient réellement.