2.1.3. Une étude française

Très peu d’études ont été menées en français sur l’utilité de logiciel de remédiation aux difficultés d’apprentissage de la lecture. Toutefois, une étude récente, en français, sur le principe de la rétroaction verbale a été conduite par Jourdain, Doignon, Lété et Zagar (2003). Trois groupes d’enfants, avec une répartition homogène de faibles, moyens et bons lecteurs d’âge moyen de 7 ; 9 ans ont été constitués. Chaque groupe a suivi un entraînement sur ordinateur sous forme de décision lexicale et de lecture de texte, au sein d’une même séance, deux fois par semaine pendant trois semaines. L’exercice de décision lexicale avait pour but de conserver le caractère obligatoire de la rétroaction verbale. En effet, dans la lecture de textes, la rétroaction verbale est à la demande des sujets, et Olofsson (1992) comme Van Daal et Reitsma (1993) ont montré que les enfants faibles lecteurs avaient des difficultés à gérer leur propre demande d’aide. Cette tâche permettait aux auteurs de s’assurer que les enfants avaient bien été soumis au principe de rétroaction verbale. Un groupe a bénéficié d’une rétroaction verbale portant sur le mot entier, et un autre groupe a bénéficié d’une rétroaction verbale portant sur la syllabe. Le dernier groupe n’a bénéficié d’aucune rétroaction verbale. Les enfants ayant bénéficié de la rétroaction verbale devraient améliorer leurs performances en lecture comparativement aux enfants du groupe contrôle. Suivant les résultats de Wise (1992), la rétroaction verbale portant sur la syllabe pourrait permettre une amélioration des capacités de décodage et un transfert d’apprentissage pour les mots nouveaux. Un prétest ainsi que deux post-tests ont été réalisés, l’un à court terme à l’issue de l’entraînement, l’autre à moyen terme, deux mois après. Les résultats n’ont pas montré de différence entre les groupes entraînés à la rétroaction verbale et le groupe contrôle, et ce pour chacune des épreuves des pré- et post-test. De plus, l’hypothèse selon laquelle la rétroaction verbale utilisant l’unité syllabique devrait conduire à un transfert d’apprentissage n’a pas non plus vérifiée. Les auteurs ont néanmoins relevé que les enfants ont, globalement, amélioré leurs performances après la phase d’entraînement. Cependant, cette amélioration ne résultait pas d’un effet de la rétroaction verbale.

En conclusion, il semblerait que le principe de la rétroaction verbale ne soit pas aussi apte à remédier les difficultés de lecture que ne le suggérait l’étude de Wise (1992). Les études anglo-saxonnes, comme l’étude française, surprennent par l’absence de résultats en dépit de protocoles rigoureusement élaborés. La conclusion de Olson et Wise (2004) est que, malgré les avancées de la recherche dans l’apprentissage de la lecture, il n’est toujours pas évident de savoir comment remédier aux difficultés d’apprentissage de la lecture chez l’enfant. Cependant, il est possible que ces entraînements n’aient pas fourni aux enfants de principes suffisants pour qu’une routine d’analyse phonologique soit mise en place. L’entraînement à la lecture de texte n’est peut être pas assez explicite, ou n’implique peut être pas suffisamment l’enfant pour permettre une amélioration des performances.

Nous proposons dans la partie qui suit des entraînements informatisés qui ont insisté sur un aspect précis du point de vue des compétences phonologiques à entraîner. Le fait de canaliser l’attention de l’enfant sur des principes systématiques d’analyse, en impliquant un traitement intentionnel de l’enfant, semblerait être responsable de meilleures performances que la rétroaction verbale qui peut être considérée comme un mécanisme plus passif. Jourdain (2000, communication personnelle) suggère que les enfants pourraient utiliser la rétroaction verbale en lecture de texte pour obtenir la signification du mot, et outrepasseraient ainsi l’étape du décodage.