2.2.2. Une étude en langue française

L’étude de Magnan, Ecalle, Veuillet, et Collet (2004 ; voir également, Magnan, & Ecalle, 2006; Veuillet, Magnan, & Ecalle, 2004) a utilisé une procédure systématique d’entraînement dont nous nous sommes inspirés pour élaborer notre propre logiciel. C’est à ce titre que nous rapportons cette expérience, bien que la population qui y est étudiée ne fasse pas l’objet de nos propres travaux. Cette étude a été conduite auprès d’enfants dyslexiques, et un programme d’entraînement audio-visuel a été élaboré sur un entraînement spécifique à la discrimination phonémique, et plus particulièrement sur le trait de voisement. Le trait de voisement est un indice acoustique, qui au niveau perceptif permet de distinguer les consonnes sourdes des consonnes sonores. Le trait de voisement permet de discriminer, par exemple, « pain » de « bain », /p/ étant la consonne sourde et /b/ la consonne sonore. Pour ces auteurs les enfants dyslexiques auraient, entre autres, des difficultés à percevoir l’organisation phonétique des phonèmes. Certaines études ont en effet rapporté que les enfants dyslexiques pourraient avoir de plus faibles représentations catégorielles pour certains contrastes phonémiques (Aldard, & Hazan, 1998 ; Mody, Studdert-Kennedy, & Brady, 1997 ; Serniclaes, Sprenger-Charolles, Carré, & Démonet, 2001). Un aspect important est la prise en compte de l’input visuel dans cet entraînement couplé au facteur phonologique. En administrant à des enfants dyslexiques, un entraînement audio-visuel dédié spécifiquement à la discrimination de l’opposition de voisement, les auteurs s’attendaient à une amélioration des représentations phonémiques.

Deux groupes d’enfants ont été constitués. Un groupe de sept sujets constituant le groupe A, d’âge moyen de 9 ; 10 ans et un groupe de sept sujets constituant le groupe B, d’âge moyen 10 ; 4 ans. Ces deux groupes étaient appariés en âge et niveau cognitif. L’entraînement a été réalisé à l’aide du logiciel Play On (Danon-Boileau, & Barbier, 2000) et a consisté en quatre séances d’entraînement par semaine durant cinq semaines. Chaque séance durait trente minutes. Les deux groupes ont été entraînés sur le trait de voisement pour les paires d’opposition suivantes : /p/-/b/, /t/-/d, /k/-/g/, /f/-/v/, /s/-/z/ et /ch/-/j/. L’enfant, muni d’un casque, entendait un stimulus et voyait simultanément apparaître à l’écran deux réponses écrites possibles, parmi lesquelles il devait reconnaître la cible entendue. Un ballon correspondant au stimulus apparaissait en haut de l’écran. La tâche consistait à le placer dans l’un des deux paniers de basket correspondant à l’une ou l’autre des réponses écrites. Seule la catégorisation auditive permettait d’effectuer la tâche. Les groupes ont été entraînés l’un à la suite de l’autre, le groupe A en premier, puis le groupe B. Le délai entre les deux sessions d’entraînement avait pour but de pouvoir comparer l’effet de l’entraînement, et sa stabilité dans le temps, entre les deux groupes. Les performances en reconnaissance de mots des enfants ont donc été évaluées trois fois. Cette évaluation consistait en une tâche de reconnaissance de mots à choix forcé. L’enfant devait reconnaître un mot cible parmi cinq items. Les cinq choix possibles correspondaient au mot cible, et à quatre items : un homophone, un pseudomot visuellement proche, un mot voisin orthographique (partageant la même lettre initiale) et un pseudomot contenant des séquences de lettres illégales. Après entraînement du groupe A, une augmentation des performances en reconnaissance de mots était attendue, tandis que pour le groupe B aucun effet n’était attendu. Après l’entraînement du groupe B, les auteurs s’attendaient à ne plus observer de différences entre les deux groupes, si l’effet de l’entraînement s’était maintenu dans le temps.

Les résultats ont montré qu’après entraînement, le groupe A avait des performances significativement supérieures à celles du groupe B, qui n’avait pas encore été entraîné. À la deuxième session, un effet marginalement significatif est observé en faveur du groupe A, par contre, à la session trois aucune différence significative n’a été observée entre les deux groupes. Les prédictions des auteurs ont été confirmées, et de plus, l’efficacité d’un entraînement audio-visuel sur l’opposition de voisement semblerait stable à moyen terme. Les auteurs ont conclu que la présentation conjuguée d’un stimulus en modalité auditive et visuelle a contribué à l’élaboration de représentations ortho-phonologiques chez les sujets, d’où une amélioration de leurs performances. Les résultats observés sont en accord avec trois méta-analyses, Bus et Ijzendoorn (1999), Ehri et al. (2001) et Troia (1999), démontrant qu’un entraînement sur la parole seule n’est pas suffisant pour provoquer une amélioration des habiletés phonologiques. Nous nous appuierons sur ces arguments pour élaborer notre propre logiciel d’entraînement.