2.3. Entraînement spécifique au décodage

MacCandliss, Beck, Sandak et Perfetti (2003) ont élaboré un programme Word Building, visant à développer particulièrement les habiletés de décodage chez des enfants de la première à la troisième année d’apprentissage. Selon MacCandliss et al. (2003) les enfants en difficultés de lecture n’éprouvent généralement pas de difficultés pour identifier le premier graphème d’un mot, mais en revanche leur habileté de décodage serait déficiente, ces enfants ne seraient pas engagés dans la procédure alphabétique. L’objectif de leur programme est donc d’entraîner les processus de décodage en focalisant l’attention de l’enfant sur la position de chaque phonème au sein d’un mot. Les enfants avaient entre sept et dix ans et présentaient tous des difficultés en lecture. Deux groupes de sujets ont été constitués, le groupe expérimental et le groupe contrôle qui comportaient chacun douze sujets. Ces deux groupes étaient appariés en âge, sexe et niveau de compétences. Les enfants du groupe expérimental ont suivi vingt séances d’entraînement sur ordinateur en présence d’un tuteur. Chaque séance durait environ cinquante minutes. Ces séances avaient lieu trois fois par semaine durant quatre mois environ. La progression au sein des soixante-dix-sept leçons possibles était fonction des progrès de chaque enfant. En moyenne les enfants ont traité quarante-trois leçons (écart type 15,8). Durant la séance d’entraînement, le tuteur présentait tout d’abord à l’enfant les cartes-lettres de la leçon et s’assurait que l’enfant associait correctement chaque cartes-lettres au son lui correspondant. Puis l’enfant devait construire un mot à l’aide de ces cartes. L’entraînement proprement dit consistait à permuter les cartes-lettres afin de construire de nouveaux mots. L’enfant suivait toujours les instructions de son tuteur pour permuter les cartes-lettres entre elles et devait lire chaque mot nouvellement produit. Tout au long de la séance, le tuteur pouvait aider l’enfant, en cas d’échec de lecture, de non connaissance des correspondances grapho-phonémiques ou de prononciation difficile. Le tuteur devait en outre s’assurer, en fin de séance, que les mots de la séance étaient acquis, et au besoin servait de répétiteur à l’enfant. Le tuteur avait donc, dans cet entraînement, un rôle de renforcement et de soutien très important. Les pré- et post-test comprenaient les épreuves suivantes : une épreuve de lecture de pseudomots, une épreuve de décodage, une épreuve d’identification de mot, une épreuve de compréhension et une épreuve de conscience phonémique.

Les résultats ont montré que les enfants du groupe expérimental avaient significativement amélioré leurs performances par rapport aux enfants du groupe contrôle dans toutes les mesures du post-test sauf une concernant l’identification de mots. Ce dernier résultat contrastait fortement avec l’ensemble des données recueillies. Pour les auteurs cette tâche comportait 60% de mots irréguliers, les correspondances grapho-phonémiques auraient donc été insuffisantes pour permettre un décodage adéquat, ce qui expliquerait l’absence de résultats.

En conclusion, le programme d’entraînement mis en place par MacCandliss et al. (2003) est un programme qui semble offrir aux enfants une procédure efficace pour remédier aux difficultés de lecture. Le décodage apparaît comme une étape incontournable de l’acquisition de la lecture. Les enfants ont pu manipuler les phonèmes entre eux et observer concrètement à l’aide des lettres-cartes le résultat du changement de position d’un phonème au sein d’un mot. Les enfants ont donc été confrontés de manière très explicite à l’analyse des mots parlés en fonctions de leurs unités phonémiques, et comprendre en les manipulant les relations entre phonèmes et graphèmes. Cependant le rôle du tuteur nous paraît également fondamental dans cette étude. L’enfant pouvait bénéficier de répétitions, d’explications, d’un guide permanent à ses côtés en plus du support informatique, ce qui n’est pas forcément le but recherché dans un entraînement informatisé. L’enfant ne peut donc pas évoluer en autonomie et l’effet du programme informatisé nous semble un peu amoindri par la présence et l’interaction du tuteur. De plus, compte tenu de l’ampleur des résultats obtenus, cette étude offre non seulement des perspectives de remédiation intéressantes mais également des éclairages théoriques sur l’apprentissage de la lecture.