Chapitre 5 : Discussion générale de la thèse

Notre discussion débute par un résumé de nos résultats qui seront commentés. Cette discussion envisage également quelques perspectives.

Résumé de la thèse

L’objectif principal de cette thèse était de savoir si l’unité syllabique était utilisée par l’enfant au cours de l’apprentissage de la lecture et de savoir si un entraînement informatisé fondé sur l’unité grapho-syllabique pouvait aider l’enfant en difficultés d’apprentissage de la lecture à améliorer ses performances en lecture.

La première partie de ce travail avait pour but de tester l’effet de compatibilité syllabique dans une tâche de détection de cible auprès d’enfants de différents niveaux de lecture et d’enseignement suivant les travaux de Colé et al. (1999). Compte tenu des résultats obtenus par Content et al. (2001) chez l’adulte en modalité auditive qui ont montré un effet de la nature de la consonne pivot sur la détection d’une syllabe cible, nous avons manipulé trois séries de consonne pivot, les liquides (« l » et « r »), les occlusives (« p » et « c ») et la fricative (« s ») afin d’observer si chez l’enfant en modalité visuelle et en modalité auditive l’effet syllabique se manifestait et si, de plus, cet effet pouvait être contraint par les caractéristiques phonétiques de ces consonnes pivot. Les travaux de Ramus et al. (1999) et Ramus (2000), ont montré que la langue française pouvait à juste titre être qualifiée de langue à rythme syllabique, nous avons donc testé l’effet syllabique chez l’apprenti lecteur de langue maternelle française. Un aspect novateur de notre travail est d’avoir testé cet effet dans une tâche de détection de cible en modalité auditive.

Au vu des résultats de l’Expérience 1, en modalité visuelle il semblerait que lorsque l’effet de compatibilité syllabique se manifeste cet effet ne soit pas entièrement dû à l’influence d’une consonne pivot en particulier et que cet effet se manifeste en fonction du degré d’expertise en lecture. Les enfants bons lecteurs de CE1 ont montré un effet de compatibilité syllabique en condition « mot » et en condition « pseudomot » il semblerait donc que cet effet se manifeste pour les lecteurs ayant acquis une certaine expérience. Cependant, nous avons proposé une interprétation en faveur d’une stratégie propre aux bons lecteurs de CM1 en proposant que ceux-ci aient été perturbés par l’absence de sémantique en condition « pseudomot ». Nos données sont compatibles avec le parcours développemental proposé par Colé et al. (1999) suggérant que la dynamique de lecture s’opère par un déplacement des petites unités, les graphèmes, vers des unités plus larges, le mot, en passant par une étape intermédiaire que la syllabe grapho-phonologique pourrait représenter. Les modèles développementaux ne prévoyaient pas d’unité transitoire entre la phase alphabétique et la phase orthographique et ne sont donc pas aptes à rendre compte de nos données. En revanche, le modèle à double fondation de Seymour (1997) parce qu’il propose précisément un parcours développemental des petites unités vers des unités plus larges, incluant un recours possible à l’unité syllabique semblerait compatible avec nos données. En ce qui concerne les modèles connexionnistes, dans la mesure où ceux-ci ne simulent pas exactement l’apprentissage de la lecture et de surcroît en français, nous commenterons plus particulièrement nos résultats par rapport au modèle d’Ans et al. (1998) et par rapport au tout récent modèle de Perry et al. (sous presse). Tout d’abord par rapport au modèle d’Ans et al. (1998) nos données attestent d’un traitement syllabique en condition mot chez les bons lecteurs et en condition « pseudomot » pour les enfants de CE1 bons lecteurs et les enfants de CM1 faibles lecteurs. Or, dans ce modèle, la procédure analytique via l’unité syllabique n’est postulée que pour les pseudomots et les mots peu fréquents. Ce modèle n’est pas explicitement dédié à l’apprentissage de la lecture, mais si nous considérons que le lexique orthographique des enfants en cours d’apprentissage de la lecture est en constitution, alors l’effet syllabique que nous avons observé témoigne d’un tel processus en constitution. De plus, nous avons observé un effet de compatibilité syllabique en condition « pseudomot », effet que Valdois et al. (2006) ont retrouvé en neuro-imagerie et en simulation. Ce modèle pourrait ainsi rendre compte du traitement syllabique que nous avons observé dans la mesure où il incorpore un niveau phonologique structuré syllabiquement et que le niveau de mémoire épisodique encode les séquences de lettres rencontrées fréquemment à l’écrit sous forme syllabique. Ces séquences pourraient correspondre à l’unité grapho-syllabique telle que nous l’avons manipulée. En effet, lorsque la procédure en mode global échoue, l’entrée orthographique est traitée syllabe par syllabe, voire graphème par graphème si aucune syllabe connue n’est activée, qu’il s’agisse d’un mot ou d’un pseudomot. Ce traitement pourrait être rapproché du comportement des lecteurs de bon niveau que nous avons testés. Bien que le tout récent modèle connexionniste à processus duel (CDP+) de Perry et al. (sous presse) ne traite pas de l’apprentissage de la lecture, nous retenons que les performances accrues de CDP+ par rapport aux précédents modèles connexionnistes sont dues, selon les auteurs, au tampon graphémique dans lequel les représentations graphémiques sont ordonnées sur un gabarit syllabique. Ce nouveau réseau semblerait donc indiquer la nécessité d’un niveau de représentation syllabique dans le domaine de la lecture experte et par conséquent corroborer la pertinence de la syllabe en tant qu’unité fonctionnelle de lecture. Enfin, bien qu’il ne s’agisse pas d’un modèle implémenté et que ce modèle concerne la lecture experte, Mathey et al. (2006) ont proposé une architecture adaptée du modèle d’activation interactive de McClelland et Rumelhart (1981) incluant l’unité syllabique en tant que représentation symbolique. Les résultats obtenus par Doignon et al. (2006) avec le paradigme des conjonctions illusoires sont compatibles avec ce modèle, suggérant qu’au cours de l’apprentissage de la lecture l’unité syllabique soit une unité utilisée dès la fin de la première année d’apprentissage et que, par conséquent, l’enseignement de la lecture s’appuie sur la syllabe en tant qu’unité intermédiaire entre la code oral et le code écrit. Nos données convergent également dans ce sens, et, en conclusion, il nous semblerait donc important que les futurs modèles d’apprentissage de la lecture, connexionnistes comme empiriques, comportent un niveau de traitement syllabique.

En modalité auditive, les résultats de l’Expérience 2 ont montré un effet de compatibilité syllabique en condition « mot » et un effet un peu plus marqué pour les consonnes pivot occlusives. En condition « pseudomot » nous avons observé un effet de compatibilité syllabique dès qu’un degré d’expertise en lecture était atteint et cet effet était plus marqué pour les consonnes pivot liquides. Le point important selon nous est d’avoir observé un effet de compatibilité syllabique toutes consonnes pivot confondues. La discordance de nos résultats concernant l’influence de la consonne pivot entre les conditions « mot » et « pseudomot » est difficilement interprétable, compte tenu du fait que les enfants testés dans ces deux conditions étaient différents. Pour résumer,nos séries d’expérience dans une tâche de détection de cible en modalité visuelle ont montré qu’en condition « mot » seuls les lecteurs de bon niveau ont manifesté un effet de compatibilité syllabique tandis que les lecteurs de faible niveau ont montré un effet de longueur de cible. Le fait que cet effet se manifeste avec différents types de consonne pivot nous permet de proposer que l’effet syllabique que nous avons observé n’est pas dû à un type particulier de consonne pivot. Notre hypothèse développementale stipulant un effet de longueur de cible chez les lecteurs de faibles niveau et un effet de compatibilité syllabique chez les lecteurs de bon niveau est vérifiée. Notre hypothèse concernant une influence de la nature de la consonne pivot sur l’effet de compatibilité syllabique est en partie vérifiée : l’effet de compatibilité syllabique s’est manifesté avec plusieurs types de consonnes pivot, notamment les occlusives et les liquides, et en moindre part avec la fricative. La fricative que nous avons testée était la consonne « s », phonème ambigu pour lequel il est manifestement plus difficile d’observer un effet de compatibilité syllabique peut être parce que le graphème « s » comporte deux prononciations, /s/ non voisée, ou /z/ voisée, en fonction du contexte. Cette double prononciation peut donc induire une ambiguïté dans le traitement, et ce d’autant plus chez l’enfant apprenti lecteur, d’où une observation moins forte de l’effet de compatibilité syllabique avec cette consonne pivot. Nos résultats sont donc compatibles avec ceux de Colé et al. (1999) et renforcent l’hypothèse d’une dynamique développementale dans l’apprentissage de la lecture s’établissant des graphèmes vers des unités plus larges. Sous l’effet de l’enseignement des correspondances grapho-phonémiques l’apprenti lecteur opèrerait un décodage phonologique dans un premier temps séquentiel lettre à lettre, puis au fur et à mesure de son apprentissage, celui-ci s’appuierait sur une unité plus large telle que la syllabe. L’unité syllabique permettrait ainsi de faire le lien entre code de l’oral et code de l’écrit, participant ainsi au développement d’automatismes en lecture conformément aux prédictions de Colé et al. (1999) et Bastien-Toniazzo et al. (1999). Les effets phonologiques en faveur de l’unité syllabique que nous avons observés en modalité auditive en condition « mot » comme « pseudomot » témoigneraient de l’utilisation de cette unité dès qu’un niveau d’expertise est atteint. Notre hypothèse concernant la présence d’un effet de compatibilité syllabique en modalité auditive quel que soit le niveau de lecture de l’enfant n’est donc pas pleinement vérifiée. Toutefois nous avons observé un effet de compatibilité syllabique avec différentes consonnes pivot, notamment les occlusives et les liquides et, de nouveau, en moindre part avec la fricative, ce qui renforcerait l’hypothèse d’une difficulté de traitement liée à ce phonème précisément.Les effets syllabiques que nous avons observés pourraient également révéler le degré de prise de conscience des liens existant entre code oral et code écrit sous l’effet de l’apprentissage de la lecture. Les enfants de CM1 faibles lecteurs n’ont peut être pas montré d’effet de compatibilité syllabique en condition « mot » parce qu’ils n’ont pas encore établis d’appariement stable entre le code oral et le code écrit. Ziegler et Goswami (2005) ont montré que l’apprentissage de la lecture dépendait de la taille de l’unité utilisée en fonction de la langue d’apprentissage. L’anglais est une langue très irrégulière du point de vue des correspondances grapho-phonémiques et impliquerait l’utilisation d’unités larges, comme l’attaque-rime, la syllabe ou le mot entier. En revanche, l’allemand est une langue régulière du point de vue de ces correspondances et impliquerait une unité de l’ordre du graphème. Le français se situe en quelque sorte à un niveau intermédiaire entre l’allemand et l’anglais, donc en suivant la théorie de la granularité proposée par Ziegler et Goswami (2005), et nos propres résultats, nous proposons que l’unité optimale utilisée dans l’apprentissage de la lecture en français soit de taille syllabique. La tâche de détection de cible, telle que nous l’avons conduite, semblerait ainsi pouvoir rendre compte du développement des habiletés en lecture et témoigner en faveur d’une prise en compte de l’unité grapho-syllabique en tant qu’unité fonctionnelle pour l’apprentissage de la lecture en français. Cependant, dans la mesure où ce ne sont pas les mêmes participants qui ont été testés en modalité visuelle et auditive, et dans les mêmes conditions « mot » et « pseudomot », nos interprétations demeurent sujet à caution, et nécessiteraient de nouvelles expériences afin de pouvoir clairement mettre en relation les traitements visuel et auditif.

La deuxième partie de ce travail a consisté en l’élaboration d’un logiciel d’aide à l’apprentissage de la lecture. Concernant les études en langue française, nous avons souligné qu’en dehors des travaux de Jourdain et al. (2003) en rétroaction verbale et de Magnan et al. (2000) sur la manipulation de l’unité syllabique, peu de travaux ont été consacré l’aide à l’apprentissage de la lecture au moyen d’outil informatique. Or, l’outil informatique apparaît comme un outil intéressant pour l’aide à l’apprentissage de la lecture dans la mesure où il permet un entraînement individualisé de l’enfant, en relative autonomie, d’où un intérêt pratique pour les enseignants. Compte tenu des résultats que nous avons observés dans nos précédentes expériences, nous avons décidé d’entraîner des enfants en difficultés d’apprentissage de la lecture à la manipulation de l’unité grapho-syllabique. Différentes recherches (Bus & Ijzendoorn, 1999 ; Ehri et al. 2001 ; Harm et al. 2003 ; Magnan et al. 2004; McCandlis et al. 2003) ont montré qu’un entraînement conjuguant à la fois les modalités visuelle et auditive améliorait davantage les performances d’enfants en difficultés de lecture, c’est pourquoi nous avons retenu cette double modalité pour l’élaboration de notre propre logiciel. Si le parcours développemental des habiletés de lecture inclut un niveau de traitement grapho-syllabique qui doit être rendu conscient, alors un entraînement portant précisément sur la manipulation de l’unité grapho-syllabique devrait aider des enfants en difficultés de lecture à prendre conscience des relations entre unités de l’oral et unités de l’écrit. En rendant ainsi explicite cette relation grâce à la manipulation de l’unité grapho-syllabique, nous nous attendions à ce que les performances en lecture d’enfants en difficultés soient accrues après entraînement. Dans un premier temps, nous avons testé « Syllabius 1 » auprès d’enfants en difficultés de lecture, issus d’une ZEP, scolarisés en CE1. Un groupe d’enfants issus du même milieu a été utilisé comme groupe contrôle afin d’observer l’efficience de « Syllabius 1 ». Nous avons suivi un paradigme classique d’entraînement en trois phases, soit un pré-test, puis l’entraînement proprement dit suivi d’un post-test. Concernant le post-test, nous avons conduit un post-test immédiat et un post-test différé de six mois. Au pré-test, les enfants des deux groupes présentaient des performances comparables aux trois différentes épreuves. Après un entraînement d’environ dix heures, sur une durée de deux mois et demi, nos résultats ont montré qu’aux trois épreuves du post-test immédiat et différé, les enfants du groupe expérimental présentaient des performances supérieures aux enfants du groupe contrôle. En effet, les performances en lecture à voix haute des enfants entraînés par rapport aux enfants du groupe contrôle étaient supérieures à la fois pour les mots entraînés et pour les mots nouveaux comme pour les pseudomots. Ces résultats se sont maintenus au post-test différé. Toutefois, concernant les mots et les pseudomots nouveaux, ces résultats sont à nuancer puisque les items nouveaux étaient tous des bisyllabiques donc plus faciles à traiter que les items trisyllabiques. Néanmoins les enfants entraînés ont montré dans l’ensemble une amélioration de leurs performances quel que soit le type de matériel. Concernant l’épreuve de dictée de mots et de pseudomots, les performances des deux groupes étaient moins élevées qu’en lecture, attestant d’une plus grande difficulté en écriture qu’en lecture. Cependant de nouveau, les performances des enfants entraînés étaient supérieures à celles des enfants du groupe contrôle quel que soit le type de matériel. Cet effet s’est également maintenu au post-test différé. De plus, nous avons observé de meilleures performances pour les mots et pseudomots nouveaux que pour les mots et pseudomots issus du matériel chez les enfants entraînés, ce qui peut encore une fois s’expliquer par le fait que les items nouveaux étaient bisyllabiques. Enfin, concernant la tâche de détection d’erreurs, dès le post-test immédiat les enfants entraînés ont montré une nette amélioration de leurs résultats par rapport aux enfants du groupe contrôle, amélioration qui s’est maintenue au post-test différé. Après l’entraînement, les enfants entraînés sont devenus beaucoup plus sensibles aux erreurs d’orthographe que les enfants du groupe contrôle et nous n’avons pas observé de différences entre les mots du matériel et les mots nouveaux. Toutefois, le nombre d’items issus de l’entraînement était plus faible que le nombre d’items nouveaux, et les items nouveaux étaient des bisyllabes, par conséquent plus faciles à traiter que des mots trisyllabiques. En conclusion, nos résultats ont montré un net effet de l’entraînement et plus encore nos résultats ont montré un effet stable de cet entraînement, puisque au post-test différé de six mois, les performances des enfants entraînés étaient encore supérieures à celles des enfants du groupe contrôle. Nous pouvons donc conclure à un effet durable de notre entraînement. Afin d’évaluer les performances des enfants du groupe expérimental et du groupe contrôle, nous avons testé ces enfants au post-test différé sur le paradigme de détection de cible, en condition « mot », avec le même matériel que dans nos expériences précédentes. Les résultats ont montré un net effet de compatibilité syllabique, et ce pour nos trois séries de consonnes pivot, pour le groupe des enfants entraînés tandis que pour les enfants du groupe contrôle nous n’avons observé qu’un effet de longueur de cible. Ces patterns de résultats montrent qu’après entraînement, les enfants du groupe expérimental ont un comportement comparable aux enfants de CE1 bons lecteurs de notre précédente expérience. Ces résultats confirment d’une part l’effet de notre entraînement et d’autre part que la dynamique développementale de l’apprentissage de la lecture inclut un passage par l’unité grapho-syllabique.

Notre deuxième expérience sur l’entraînement informatisé visait à tester deux types d’entraînement audio-visuel différents : un entraînement portant sur la segmentation grapho-syllabique (« Syllabius 1 ») et un entraînement portant sur la reconnaissance globale du mot (« Syllabius 2 »). Wise (1992, voir également Wise et al. 2000) a montré dans un entraînement portant sur la rétroaction verbale que l’effet d’apprentissage le plus fort s’observait avec une segmentation sur la syllabe (BOSS) ou avec une rétroaction sur le mot entier. Olson et Wise (1992 ; voir également Wise et al. 2000) n’ont montré aucune différence entre une segmentation en attaque-rime, une segmentation syllabique et une rétroaction sur le mot entier mais ont relevé que les plus faibles lecteurs avaient néanmoins plus bénéficié d’une rétroaction syllabique. L’effet d’apprentissage observé à l’aide de « Syllabius 1 » aurait pu être également dû au feedback que nous avons utilisé (i.e la présentation du mot entier après réponse de l’enfant). Nous avons donc élaboré un deuxième logiciel, « Syllabius 2 », dont l’entraînement portait cette fois sur la reconnaissance globale du mot afin d’observer les bénéfices respectifs de nos deux entraînements. Nous avons testé ces deux méthodes d’aide à l’apprentissage auprès de deux groupes d’enfants en difficultés de lecture, l’un à l’aide de « Syllabius 1 » tel que nous l’avions utilisé précédemment, et l’autre à l’aide de « Syllabius 2 ». Le matériel de ces entraînements était identique au matériel utilisé avec « Syllabius 1 ». La seule différence entre ces deux entraînements était la procédure de « Syllabius 2 ». Alors que dans « Syllabius 1 », les enfants, après avoir entendu un mot devaient choisir l’emplacement de la syllabe cible dans ce mot parmi trois emplacements possibles, dans « Syllabius 2 », après avoir entendu un mot, les enfants devaient choisir quel était le mot entendu parmi trois mots affichés. Afin d’établir une comparaison entre ces deux types d’entraînement, nous avons de nouveau suivi un paradigme classique d’entraînement comportant un pré-test, la phase d’entraînement, puis un post-test immédiat et un post-test différé, suivant la procédure de « Syllabius 1 ». Aux quatre épreuves des deux post-tests, les enfants entraînés à l’aide de « Syllabius 1 » ont montré des performances supérieures aux enfants entraînés à l’aide de « Syllabius 2 », soit en lecture à voix haute, en dictée de mots, dans une tâche de détection d’erreurs et au Timé2 (Ecalle, 2003).Bien que tous les enfants aient montré une amélioration de leurs performances aux quatre épreuves entre les post-tests 1 et 2, les progrès des enfants entraînés à l’aide de « Syllabius 1 » sont supérieurs aux progrès des enfants entraînés à l’aide de « Syllabius 2 ». Nos résultats ne sont donc pas comparables avec ceux de Wise (1992 ; voir également Wise et al. 2000) puisque nous avons observé une différence en fonction du type de segmentation en faveur de l’unité syllabique. En revanche, nos résultats sont en partie compatibles avec les études de Olson et Wise (1992 ; voir également Wise et al. 2000), puisque les enfants faibles lecteurs ont effectivement plus bénéficié d’une segmentation syllabique que de la présentation du mot entier. Nous avons observé cette différence entre le post-test 1 et le post-test 2, manifestant un délai dans l’établissement des progrès en habiletés de décodage grapho-phonologique. Ce délai semble indiquer que la modification des habiletés de lecture - se traduisant par de meilleures performances dans les quatre épreuves au post-test 2- montre que les enfants ont eu besoin d’un temps d’assimilation avant de pouvoir manifester un effet bénéfique de l’entraînement. Néanmoins nous pouvons affirmer qu’un entraînement fondé sur la segmentation grapho-syllabique procure de meilleures performances qu’un entraînement fondé sur la reconnaissance globale du mot. En conclusion, notre hypothèse concernant un bénéfice dans le cas d’un entraînement portant sur la manipulation de l’unité grapho-syllabique a été confirmée par deux fois. De plus, notre premier entraînement nous a permis d’observer, de la part des enfants entraînés des performances comparables à des lecteurs de même âge mais bons lecteurs dans une tâche de détection de cible. Enfin, notre hypothèse concernant une amélioration des performances dans le cadre d’une aide à la segmentation syllabique comparée à la reconnaissance globale de mot a également été confirmée. En ceci nous pensons que l’unité grapho-syllabique est une unité pertinente de lecture. En effet, en cas de difficultés de lecture cette unité peut être entraînée et ainsi améliorer le niveau de lecture d’enfants en difficulté d’apprentissage. Le dernier rapport de l’INSERM (2007) signale enfin, à propos d’entraînement spécifique pour les troubles des apprentissages, utilisant notamment l’outil informatique que « l’évaluation des effets des entraînements utilisant ces outils doit s’appuyer sur une méthodologie permettant d’affirmer un effet spécifique sur la fonction entraînée. Les critères d’efficacité des entraînements sont : l’effet sur la fonction cognitive spécifique entraînée, la généralisation sur les procédures d’identification des mots écrits (précision et temps), sur la compréhension et sur l’orthographe des mots isolés et en contexte » (p.78). Nous pensons ainsi, à l’aide de nos travaux sur deux types différents d’entraînement informatisé, avoir répondu à la majeure partie des critères énoncés dans ce rapport et avoir démontré la pertinence de l’unité syllabique en tant qu’unité fonctionnelle dans l’apprentissage de la lecture.