Perspectives

Pour finir nous allons envisager quelques perspectives concernant l’amélioration de nos propres travaux. Tout d’abord, concernant la tâche de détection de cible, afin de mieux appréhender les liens entre perception de l’oral et de l’écrit, il nous semblerait intéressant de tester les mêmes enfants en modalité visuelle et en modalité auditive. Compte tenu de la procédure que nous avions établie, il nous était impossible de garder les mêmes participants pour ces deux modalités. Les enfants étaient en effet testés à trois reprises, une passation par consonne pivot, et chaque passation nécessitait environ vingt minutes en modalité visuelle et pratiquement quarante minutes en modalité auditive. D’un point de vue pratique les enseignants n’auraient pu aménager six passations par enfant avec le travail en classe. Nous suggérerons alors d’alléger le matériel, soit en ne conservant que cinq items par consonne pivot et en augmentant le nombre de participants, ou encore d’utiliser la méthodologie de Conrad et al. (sous presse). Dans leur expérience Conrad et al. (sous presse) ont en effet utilisé une seule liste d’items expérimentaux, sélectionnés sur la fréquence de la syllabe initiale. Ce procédé semble plus économique, en termes de nombre de passations, et est également plus facilement réalisable, dans la mesure où différents types de structures syllabiques sont testés et ne nécessitent donc plus un appariement entre deux items selon un partage identique du trigramme initial, ce que nous avions retenu dans nos expériences. Il serait également intéressant d’observer chez l’enfant l’effet de compatibilité syllabique en fonction de la fréquence de la syllabe initiale et non plus en fonction de la fréquence d’usage du mot, ce qui permettrait un choix plus large d’items expérimentaux. Il pourrait aussi être intéressant de re-contrôler notre matériel en fonction de la nouvelle base de données MANULEX (Lété et al. 2004). En effet, la base de données que nous avons utilisée, NOVLEX (Lambert, & Chesnet, 2001) est une base destinée à des enfants de CE2, contenant 20 600 formes orthographiques et 9 300 lemmes, tandis que MANULEX contient 48 900 formes orthographiques et 23 900 lemmes, d’où une base largement plus étendue et donc un choix de matériel plus large.Il serait également intéressant de conduire une expérience de détection de cible chez le lecteur expert, avec le matériel mot et pseudomot que nous avons utilisé, afin de pouvoir comparer les traitements en modalité visuelle et auditive pour un même participant. Pour finir, afin de pouvoir établir encore plus précisément la pertinence de l’unité syllabique dans le traitement visuel de mots, il pourrait être informatif de mener une expérience sur de l’amorçage syllabique en reconnaissance visuelle de mot (e.g., Chétail, & Mathey, 2006). Dans la mesure où nous avons montré un effet syllabique dans une tâche de détection de cible, que les travaux de Doignon et Zagar (2006) ont montré un tel effet à l’aide du paradigme des conjonctions illusoires, nous pensons qu’utiliser un autre paradigme pour tester cet effet permettrait d’étayer encore davantage le rôle de la syllabe dans la reconnaissance visuelle de mot, et par là-même le rôle de la syllabe dans l’apprentissage de la lecture chez l’enfant.

Concernant nos deux logiciels, « Syllabius 1 » et « Syllabius 2 », il apparaît nécessaire de poursuivre des entraînements avec ces logiciels sur un plus grand nombre de participants. Nos échantillons, de treize à quinze enfants sont relativement faibles et nos effets d’apprentissage demandent à être re-testés sur un échantillonnage plus large de participants. Nous pensons de plus qu’il serait utile de revoir l’ergonomie de ces logiciels. Dans un premier temps il faudrait revoir l’interface graphique de « Syllabius 1 », comme le déplacement peut être un peu trop lent du personnage. Dans un second temps, nous pensons ensuite aux améliorations possibles dans l’optique de mettre ces logiciels à disposition des enfants au sein des classes, et rendre l’utilisation accessible aux enseignants. Ceci demanderait l’établissement d’un nouveau cahier des charges en vue d’une nouvelle programmation, une collaboration avec des des équipes spécialisées dans l’ergonomie des logiciels de lecture (Ros, & Rouet, 2007), en prenant également en compte les ressources informatiques disponibles dans les écoles. Cependant, la mise à disposition de ces logiciels ne pourra se faire qu’avec un travail approfondi en collaboration avec les enseignants. Nous suggérons également d’étendre les séances d’entraînement à des mots bisyllabiques, voire des mots monosyllabiques, ce qui augmenterait la capacité d’entraînement de nos logiciels, les mots trisyllabiques n’étant pas les mots les plus répandus dans le lexique d’enfants en cours d’apprentissage de la lecture. Ce type d’architecture permettrait alors un entraînement sur plusieurs types de mots à la fois, et pourrait par là même étendre l’entraînement aux mots irréguliers, mots qui sont rarement trisyllabiques. Enfin, il serait également intéressant d’intégrer à ces logiciels une procédure d’enregistrement automatique des temps de réponses ainsi que des erreurs des enfants, afin de contrôler au plus près les effets de l’entraînement, comme de pouvoir éventuellement inclure une procédure de re-présentation des items échoués lors d’une séance d’entraînement ultérieure. Les séances d’entraînement seraient ainsi plus personnalisées et répondraient alors davantage aux besoins des enfants en difficultés.