La question de la figure, aussi bien que de la lecture feront appel à la sémiotique figurative. A propos de la sémiotique figurative Greimas précise qu’ «une telle sémiotique n’épuise pas la totalité des articulations signifiantes des objets planaires et qu’elle ne représente qu’un point de vue déterminé consistant à les dorer d’une interprétation ‘’naturelle’’, les analyses de la figurativité sont justifiées et constituent un champ d’exercice autonome» 92 .
L’importance donnée à la lecture de la part du sujet se situe à la conversion de la figure en signe-renvoi 93 . La lecture figurative des objets visuels actualise la juxtaposition entre « les formes au sens de la Gestaltthéorie, les figures du monde chez Bachelard, et les figures du plan de l’expression de Hjelmslev » 94 .
L’introduction de la question du texte au sein de la sémiotique figurative des objets visuels signale l’homologation entre les sémiotiques des langues naturelles et du monde naturel. Le visuel est traité et analysé en termes du texte et de la sémiotique textuelle :
‘« En tenant compte du fait que les qualités du monde naturel, sélectionnées, servent à la construction du signifiant des objets planaires, mais qu’elles apparaissent en même temps comme des traits du signifié des langues naturelles, on voit que les discours verbaux portent en eux-mêmes leur propre dimension figurative, à ceci près que les figures qui la constituent sont des figures du contenu et non des figures de l’expression » 95 .’Se pose aussi la question de la lecture des figures visuelles et ses ressemblances avec le rôle des images et d’autres métaphores à l’intérieur des discours verbaux, comme prouvé dans « Rhétorique de l’image » de Barthes 96 .
Le rapport entre la sémiotique générale et visuelle est au profit de la sémiotique générale dont elle dépend. Malgré l’importance mineure que Greimas accorde à la sémiotique figurative, il juxtapose néanmoins la sémiotique générale avec les problèmes de la visualité et croise ainsi des méthodes certes hétérogènes mais avec des problématiques communes, comme par exemple le principe de l’analyse. D’après Greimas, un texte visuel est une entité signifiante, saisissable uniquement après sa segmentation en unités plus petites et par la réintégration des parties dans les totalités qui la composent 97 . Cette théorie de la « figure » dans la sémiotique figurative semble représenter un état de la théorie sémiotique plus ancien que la notion de figure (grandeur figurative) telle que celle de Geninasca.
Puisque la notion du texte s’intègre au domaine du visuel et que l’homologie entre la sémiotique générale et la sémiotique visuelle est incontestable, la question de la lecture en découle comme une suite logique. Plus précisément, en ce qui concerne la lecture figurative, Greimas note à propos de l’analyse du sémioticien devant un texte plastique:
‘« (…) le texte, lu à sa surface, se présente comme se prêtant à une lecture ‘’figurative’’ évidente et en même temps dépourvue de sens, tant est grande la distance entre la pérennité des mythes et l’insignifiance de leur sens apparent. Le sémioticien se reconnaît aussi dans la démarche qu’il adopte : fondée sur la conviction intuitive de l’existence d’une signification autre, plus profonde, la lecture ‘’verticale’’ à laquelle il procède lui permet de reconnaître des récurrences ‘’anaphoriques’’ de certaines grandeurs du récit et, en même temps, des oppositions de ‘contrastes’ entre les termes retenus, la narration n’apparaissant, dans toute la figurativité débordante, que comme le ‘’bruit’ qu’il faut surmonter pour devoir dégager les principales articulations de l’objet, pour postuler ensuite une saisie mythique atemporelle de cette structure de base qui rend compte de la signification globale du texte» 98 .’La question de la lecture est aussi abordée sous l’angle de la ressemblance entre la sémiotique plastique et semi-symbolique :
‘« Une telle constatation, qui tend à définir la sémiotique plastique comme un cas particulier de la sémiotique semi-symbolique, pousse tout naturellement à s’interroger sur le statut sémiotique des éléments du signifié qui sont ainsi homologués aux catégories du signifiant plastique. Le nombre encore limité d’analyses concrètes ne permet pas d’en tirer des constatations assurées. On peut dire toutefois que ce sont là des catégories relevant de la forme-et non de la substance-du contenu et qui, tout en paraissant provenir de la lecture figurative des objets plastiques, possèdent néanmoins une grande généralité et se présentent comme des catégories abstraites du signifié : ainsi, l’opposition terrestre/céleste renvoie aux universaux figuratifs terre/air ; l’opposition nu/paré constitue l’axe principal de la dimension vestimentaire de la culture ; celle de l’animé/inanimé, que l’on trouve chez Klee homologuée avec l’opposition lignes/surfaces, est admise parmi les primitifs linguistiques » 99 .’GREIMAS A.-J., « Sémiotique figurative et plastique », in Actes sémiotiques Documents, n°60, p.11.
Il est intéressant de noter aussi à ce point l’inverse : le passage ou la mutation du signe-renvoi en figure. Nous constatons deux possibilités de réception de la figure. La première qui correspond à la dimension sémiologique : le signe est renvoyé à sa représentation. C’est le cas où le niveau signifiant est autonome (ex : quand le noir est le signifiant du signifié /chine/). La deuxième possibilité renvoie l’objet (figure) aux autres figures, ou plutôt à d’autres parcours figuratifs. C’est ce que Panier appelle figural et concerne le cas où le parcours fait sortir l’objet (-signe) de la signification. L’objet se construit selon le niveau contextuel et global du discours. Dans ce cas, le rapport autonome des signes est suspendu au profit de la corrélation et du contexte.
GREIMAS A.-J., « Sémiotique figurative et plastique », op.cit., p.10.
Ibid., p.11.
BARTHES R., « Rhétorique de l’image », in Communications, n°4, Paris, Seuil, 1964, p.40-51.
GREIMAS A.-J., « Sémiotique figurative et plastique », op.cit., p.14.
Ibid., pp.23-24.
Ibid., p. 22.