6. Présence et métaphore : pour une expérience sensible du sens

La présence est abordée par Ouellet comme le point d’articulation entre perception et énonciation. La métaphore, définie par l’auteur de la Poétique du regard comme une façon d’apparition du monde, occupe une place primordiale au sein de sa théorie. La métaphore, principal outil de réflexion chez Ouellet, est une façon de montrer comment on voit les choses. Elle est une forme qui donne la possibilité de se présenter et se représenter les états d’âme et les états de choses. La métaphore re-introduit ainsi la rhétorique dans le monde sémiotique duquel elle est restée longtemps absente, étant considérée comme appartenant à la stylistique. Dépourvue désormais de sa fonction décorative, la métaphore, associée aux sciences cognitives (Gestalt expérientielle) acquiert un rôle primordial dans le champ de la signification.

Suivant les recherches sur les métaphores qui postulent que le langage est ancré dans l’expérience et qu’elles servent de lieu de fixation de nos actes perceptifs, Ouellet fait appel en particulier aux métaphores poétiques, qui mettent en avant la dimension créative du discours, ainsi que la facilité de dépasser le sens commun et d’accéder à l’être des choses.

Nous allons emprunter à Ouellet les fonctions de la métaphore (surtout poétique) et de la Gestalt et nous allons les transférer au discours (perception sémantique). Une sorte d’homologation est ainsi installée entre la rhétorique et les sciences cognitives d’une part, et la présence et l’énonciation d’autre part. Nous envisageons la présence liée au discours et à la Gestalt, car elle oscille entre force bouleversante et stabilisante et implique le trio : a) objet (prégnant-surplus), b) sujet (saisie-lecture, saillance-équilibre, Gestalt) et c) discours (interprétation, lecture). La présence et la sémiotique se trouvent alors toutes les deux dans une relation d’interdépendance : l’existence de l’une est liée à l’existence de l’autre.

Nous intégrons la lecture dans l’approche de la présence, et nous lui attribuons un rôle particulier. Ainsi les questions propres de perception (approche phénoménologique) se trouvent être en interaction avec les questions d’interprétation de la présence mise en discours, là où se jouent les tensions entre présence et représentation, figural et figuratif, etc.