6.2. Métaphore et schématisme

Une des idées clés de Ouellet, la schématisation, concerne la structure de l’imagerie, qui sert de support d’accueil pour les formes perceptives et discursives. La schématisation est définie comme « une procédure de l’imagination qui permet de procurer à un concept son image et de transformer les catégories en principes d’expérience» 179 . Plus précisément sur l’étymologie du mot et son emploi, Ouellet développe : « Le terme schéma, en grec ancien, désigne une « manière d’être » ; une « forme de l’apparaître » en tant que modalité de l’être » 180 . Et encore : «Le verbe skhèmatizein désigne le fait de donner une figure, une forme, une position » à quelque chose qui n’en a pas d’emblée. Schématiser, en ce sens, revient à modeler et à tailler une substance amorphe, comme fait le sculpteur, ou à donner un contenu figuratif à des propositions abstraites et à des idées, comme fait le rhéteur » 181 .

Ce dernier énoncé nous rappelle Umberto Eco et son approche de types cognitifs. En donnant l’exemple de l’artiste qui donne à voir sa propre perception du monde. La vision personnelle et souvent décalée de l’artiste rapproche d’une certaine manière les types cognitifs avec la définition du schématisme par Ouellet 182 . Le schématisme sert de lien entre l’énonciation et la perception ; sa structure ni trop abstraite, ni trop concrète, lui permet, d’une part, d’accueillir les propositions théoriques et d’autre part, d’intégrer l’iconicité figurative 183 .

La structure schématique offre une perspective dynamique pour l’étude de la métaphore et de l’imagerie :

‘«Ces quelques exemples montrent que l’activité perceptive ou sensorimotrice constitue très souvent le point de départ ou d’arrivée d’un acte de métaphorisation, sans doute parce que le champ perceptif est le support et le moyen propres à la schématisation de notre expérience du temps et de l’espace, qui est à la base du déplacement d’un lieu notionnel dans un autre » 184 . ’

En ce qui concerne le rapport entre la schématisation et la représentation iconique, Ouellet postule que les images servent à la fois en tant que présentation et en tant que représentation. Elles sont une forme d’apparaître et une forme d’apparence ; ce qui nous apparaît comme une simple structure et ce qui nous est donné à voir :

‘« La schématisation vise au moins à donner un contenu sémantique, diagramatique ou topologique, aux concepts théoriques, ou à fournir aux phénomènes observés une représentation analogique, plus ou moins iconique, de leur signification, qu’à dégager les diverses conditions spatio-temporelles, schématisantes et schématisables, de l’existence et de la connaissance corrélatives des états de choses et de leurs représentations » 185 . ’
Notes
179.

OUELLET P., op. cit., p.85.

180.

Ibid., p. 81.

181.

Idem.

182.

ECO U., op.cit.,pp.224-227.

183.

OUELLET P., op. cit., « l’imagerie est le lieu où s’expriment les figures, entre percepts et concepts, dans la mesure où son support, comme dit Kosslyn, possède toutes les propriétés d’un espace coordonné, analogue à l’espace physique, en même temps que son « contenu » est suffisamment abstrait pour épouser, à l’occasion, la forme d’un contenu propositionnel (voir Kosslyn, Stephen M., 1980 ; Finkle, Ronald A., 1989, et Denis, Michel, 1989», ( Note de bas de page, p.79).

184.

OUELLET P., ibid., p.168.

185.

Ibid., p. 88.