La double nature de la métaphore est corrélée à la double dimension de la Gestalt : l’une sert à régulariser, stabiliser et identifier et l’autre est la base, l’ancrage pour de nouvelles formes du sens. Pour prolonger encore notre réflexion, nous dirons que la Gestalt et/ou la métaphore ne sont que de nature discursive : à la fois du (sens) commun et de la nouveauté. L’existence discursive de l’objet correspond à la fonction figurale et créative en tension avec l’existence référentielle-figurative de l’objet.
La métaphore est abordée par Ouellet comme relative à la figurativité, l’expérience et la Gestalt. Par le biais de la métaphore, la Gestalt, définie comme métaphore du sensible, touche les formes de l’expression, et devient aussi présence, façon de voir, et inévitablement partie de l’énonciation et bien sûr de la métaphore 200 . La Gestalt expérientielle 201 touche à la fois la doxa, ce qui lui accorde un caractère social (avec des connotations sociales) et à la poétique.
Ouellet présente la Gestalt (expérientielle) comme la base sur laquelle la métaphore est structurée :
‘« La langue ne dit pas pour rien que le regard tombe, se glisse et pénètre, balaie, se lance ou se jette. Aucune métaphore n’est innocente, la plus quotidienne encore moins : elle s’articule sur une Gestalt expérientielle, comme dit Lakoff, une image schématique, dirait Johnson, bref sur une structure imaginaire qui nous fait associer vision et motion en une même expérience esthésique, qu’on ne doit pas uniquement aux mouvements oculaires en jeu dans tout acte de vision, mais plus fondamentalement encore à la motion — à l’émotion, presque — que constitue le regard dans son rapport à l’espace et au temps, où il n’est jamais un point, statique, immuable, mais toujours une courbe au moins, qui lie le sujet voyant à l’objet vu à travers une motilité qui ne connaît jamais d’arrêt » 202 .’L’idée du mouvement, du déplacement et de la dynamique est activée par la schématisation de notre expérience. Comme la métaphore perceptive et/ou eidétique, c’est ainsi que la signification est liée à l’(é)motion, vers un perpétuel mouvement qui donne accès à la nouveauté avec des perspectives nouvelles. Réorienter notre regard sur le monde, c’est ajuster les degrés de présence du monde sur nous et éventuellement notre impact sur le monde. Mouvoir l’œil pour émouvoir le corps :
‘« C’est une telle mue de la vue que le poète fait voir, par delà toute image, toute représentation, dans le regard qu’il attire sur sa propre façon de voir, montrant moins les choses figurées que le mouvement propre à leur figuration, soit cette motilité de l’œil qui cherche sans cesse et désespérément à voir quelque chose, lui-même ou le néant, plutôt que son arrêt prolongé sur les images du monde qu’il trouve ou qu’il retrouve » 203 .’A ce sujet, voir OUELLET P., « La métaphore perceptive », Langages no 137, mars 2000, Sémiotique du discours et tensions rhétoriques par BORDRON J.-F, et FONTANILLE J.
A ce sujet, voir LAKOFF G., et JOHNSON M., Les métaphores dans la vie quotidienne, Les éditions de minuit, 1985 (pour la traduction française).
Ouellet P., op.cit., p. 245.
Idem.