Dans le cadre de la thèse, nous allons poursuivre notre réflexion autour de la sémiotique de l’objet. Nous étudierons le vêtement de haute couture, en tant qu’objet socio-sémiotique, dans la présentation des collections lors des défilés.
Les défilés offrent une mise en présence spectaculaire de la collection 215 grâce à leur aspect théâtral et à l’aide de la mise en image du corps. La mise en présence de l’objet est conçue et manifestée afin de susciter un sujet susceptible d’être affecté. Toute une stratégie de séduction est ainsi mise en place afin d’atteindre l’esthésie tant désirée. Le sujet n’est donc pas affecté par hasard, mais par un dispositif de présence bien calculé.
Le corpus sur lequel nous travaillons est déjà une « représentation » de l’objet présenté (photo, image fixe, pas de son), ce qui a des conséquences inévitables sur la présence de l’objet. Mais, ce qui attire notre attention n’est pas tant la théâtralisation et ses codes assez élémentaires (lumière, mise en scène) que l’interrelation entre le sujet percevant, être à la fois affecté, sujet lecteur et interprète et l’objet perçu. La question de la présence traitée du point de vue de la représentation en fin de compte ne fait que (sur-) souligner le caractère spectaculaire de l’objet et sert à la manifestation de la présence.
Les formes (artistiques) de l’expression de la présence mettent en valeur l’objet subliminal et le situent dans un cadre hors du commun. Cette conceptionde la mode s’accorde avec notre problématique de la présence : la phorie liée au surplus et à l’excès affectif. L’équilibre discursif — en termes de justesse et de Gestalt — est l’un des éléments nécessaires afin que la présence soit saisie par le sujet lecteur.
Le défilé constitue un type de discours, un système organisé et clos qui prend en charge le vêtement de haute couture. L’espace de la haute couture française est composé : a) des maisons qui restent invariables au fil des années (Chanel, Christian Dior), b) des maisons qui en ont fait partie dans le passé (Lapidus, Thierry Mugler), c) des jeunes créateurs, et d) des membres associés qui sont des invités étrangers (Valentino, Versace). La diversité des maisons de couture pose déjà en elle-même une question d’identité intéressante : comment chaque marque se différencie-t-elle des autres tout en restant dans le même air du temps (tendances) ? Comment la marque renouvelle-t-elle son style tout en le conservant ?
Dans la partie d’analyses suivante, les défilés porteront sur les collections de haute couture printemps-été 2001, automne-hiver 2001-2002, printemps-été 2002, automne-hiver 2002-2003, et printemps-été 2003. Plus précisément, dans le premier chapitre des analyses, nous nous pencherons sur toutes les années. Dans le chapitre consacré à la synesthésie et la dimension plastique, nous nous intéresserons aux collections printemps-été2003. Dans le dernier chapitre consacré au rythme à la collection automne-hiver 2002-2003.
Les maisons étudiées sont Christian Dior, Givenchy, Jean-Paul Gaultier, Christian Lacroix, Emanuel Ungaro, Valentino et Versace 216 . Il faudrait noter que de grands noms représentant de la couture comme Yves Saint Laurent (YSL) et Chanel absentent de notre thèse 217 . Les années des collections ont été choisies pour des raisons purement pratiques et de manière aléatoire 218 .
Nous avons eu la chance d’assister sur place à un certain nombre, limité, de défilés de collections de haute couture. Le caractère élitiste des défilés reste cohérent avec l’image cultivée : les défilés sont destinés à un public très limité, constitué declients happy few. L’impossibilité d’assister à toutes les collections et la nécessité d’en avoir une trace exploitable, traitable pour la thèse, nous a amenée à avoir recours aux enregistrements télévisuels. Le choix était important : Un grand nombre des chaînes télévisuelles (dont Fashion Tv, Paris Première, France 2…) diffusent des défilés en intégralité et en direct : L’ambiance (live), la dimension kinesthésique et les composantes audiovisuelles (musique, lumière, décor, mise en scène) du défilé en live 219 ou encore le corps et les postures-poses des mannequins soulignent et démontrent bien la présence du vêtement.
Notre objectif de travailler sur un objet syncrétique nous a fait réfléchir au choix d’un corpus qui pourrait nous fournir les textes verbaux et visuels, responsables pour l’organisation du plan du contenu et du plan de l’expression. Nous avons donc eu recours aux sites internets 220 . Dans le premier chapitre de la partie analyses, consacré à la construction verbale de l’objet, nous allons utiliser des textes (verbaux), qui sont des commentaires journalistiques issus de l’ensemble des sources mentionnées ci-dessus. Nous choisirons un certain nombre de mots-clés qui transforment le vêtement en objet de sens afin deconstituer un stock de terminologie suffisant pour organiser des catégories sémantiques (plan du contenu). Une fois le plan du contenu défini par la construction verbale (premier chapitre de la partie analyse), nous lui associerons le plan de l’expression pris en charge par : a) le plastique et plus précisément la synesthésie (deuxième chapitre de la partie analyse) et b) le rythme (troisième chapitre de la partie analyse). Dans les chapitres consacrés à la dimension plastique du vêtement, nous utiliserons les photogrammes des défilés disposés dans le même ordre chronologique que les séquences des défilés « réels ». Ces images-collections sont issues du site www.style.com . Nous sommes conscients que l’énergie, composante indispensable des défilés, est certainement perdue dans des images statiques. Cependant, la fidélité chronologique du « récit » du défilé, aussi bien que les raisons pratiques d’homogénéité verbale et visuelle nous aident à atteindre notre objectif : trouver les éléments qui servent à l’expression de la manifestation de la présence et proposer une typologie des maisons de couture. La comparaison des différentes marques sera ainsi fondée sur le caractère syncrétique de l’objet (visuel et verbal).
Peut être le live serait indispensable, mais la télé est également nécessaire, car elle donne accès à tout le monde et c’est ainsi une voie qui amène au rêve (les autres) et démontre aussi le caractère démocratique et popularisé.
Désormais, nous allons adopter l’appellation Dior pour Christian Dior, Gaultier pour Jean-Paul Gaultier, Lacroix pour Christian Lacroix et Ungaro pou Emanuel Ungaro et YSL pour Yves Saint Laurent.
Manque soit d’image, soit des commentaires suffisants sur les marques particulières.
Le hasard a fait que la période des défilés analysés coïncide avec le départ du grand maître de la haute couture, YSL, qui signale un moment clé pour l’avenir de l’institution.
Voir la liste des sites dans le premier chapitre de la deuxième partie.