La bonne forme est la corrélation des seuils d’acceptabilité et des limites. Chaque maison de couture auto-gère ses propres valeurs et en même temps se gère par rapport à la dynamique de la haute couture. La réussite d’une collection-objet dépendra de l’(eu-)phorie (l’affect doit toujours être positif), de la mise en accord des valeurs de la marque avec les tendances de la saison. Par exemple si le sexy est acceptable, le vulgaire ne l’est pas. Le dispositif des valeurs de chaque marque crée des effets de présence qui doivent être apaisés et rééquilibrés pour qu’il y ait catharsis.
La question des seuils et des limites est développée par Rastier et Zilberberg. Dans Introduction dans la Sémiotique des cultures, Rastier pose la question en termes de seuils d’acceptabilité et de seuils d’intensité 316 , tandis que Zilberberg décrit la « fragilité » des seuils et des limites à cause de leur « instabilité progressive et constante » 317 .
La ressemblance des deux auteurs d’orientation théorique pourtant différente ne se limite pas seulement à cette question précise. Selon nous, la base même de la sémantique tensive (avec les questions de l’intensité et du rythme, et des opérations de relèvement et d’atténuation) n’est qu’une gestion de la présence, à l’instar de la perception sémantique 318 .
La juxtaposition des valeurs au sein du discours concerne un transfert d’énergies, et une recherche d’équilibre. Le discours, grâce à son élasticité peut à la fois accueillir, voire provoquer des effets de présence et en même temps assurer avec l’acte de lecture les conditions de bonne lisibilité-visibilité. Plus précisément, nous allons examiner comment dans un domaine tel que la haute couture, qui par définition suscite l’hyperbole 319 , sont provoqués des effets de présence, c'est-à-dire apparaissent les marques d’une certaine intensité.
Nous allons aussi voir à l’aide de la perception sémantique (assimilation, dissimilation) comment chaque marque oscille entre le trop et le ce qu’il faut 320 . Chaque valeur possède des virtualités qui une fois mises en contexte, vont être soit actualisées, soit inhibées et remplacées par de nouveaux sèmes. La lecture avec les opérations interprétatives « libère » les valeurs en attente et règle les déséquilibres sémantiques créés.
Cf. RASTIER F., Une introduction aux sciences de la culture, François Rastier, Simon Bouquet (éd.), Paris, Presses Universitaires de France, 2002, pp. 255-266, et RASTIER F., « Les valeurs et l’évolution des classes lexicales », in La polysémie ou l’empire des sens, Lexique, discours, représentations, REMI-GIRAUD S., & PANIER L. (dir), Presses universitaires de Lyon, 2003. pp.39-64.
ZILBERBERG C., « Seuils, limites, valeurs », in Questions de sémiotique (dir.) Hénault A., Paris, PUF, 2002, p.341.
Comme nous avons développé dans le chapitre sur la présence, les opérations interprétatives assurent la perception sémantique.
La présence est manifestée lorsqu’il y a des débordements. Nous constaterons que la tendance très forte de la haute couture est de pousser toutes les valeurs d’intensité faible vers des degrés d’intensité les plus extrêmes.
Cf. ZILBERBERG C., « Du récit au discours », in Signes des temps : temps et temporalité des signes, (dir.) GUILLEMETTE L , et HEBERT L., avec la collaboration de ARSENAULT L., et COSSETTE J., Les presses de l’université Laval 2005, pp. 289-317.