Dans le premier chapitre de la partie analyse, nous nous sommes intéressée aux valeurs, c’est à dire aux catégories sémantiques qui servent à évaluer l’objet (vêtement de haute couture) au sein du discours verbal. Nous avons aussi pu démontrer les spécificités de chaque maison de couture. Ainsi, la marque (maison de couture) se présente comme un univers micro-sémantique articulé dans un discours.
L’objet d’étude, c’est à dire le vêtement en tant qu’objet sémiotique présenté dans les collections est un objet syncrétique. Sa construction est le résultat à la fois du verbal et du plastique. Les valeurs issues du premier chapitre de l’analyse nous ont fourni un plan du contenu. Celui-ci sera étudié dans sa forme d’expression. Dans ce chapitre, nous allons voir plus précisément le parcours plastique des valeurs constituantes de l’identité de chaque maison. Via les spécificités plastiques et notamment sensibles et tensives, chaque maison crée son propre style et se démarque des autres. Les valeurs de l’ordre de l’/élégance/ et de la /beauté/ par exemple telles qu’elles sont validées par le discours seront à nouveau traitées dans leur dimension plastique.
Nous pouvons distinguer trois niveaux d’analyses différents. Le premier, le thématique est issu de l’analyse des textes ; la terminologie est adaptée aux valeurs sémantiques et à leur combinaison. Le deuxième, le plastique concerne l’aspect plastique proprement dit (couleurs, formes, matières). Le dernier niveau d’analyse, le tensif porte sur i) le plastique lui-même (par exemple le noir en interaction-tension avec le bleu) et ii) la présentation des objets (rythme, séquence) dans la dynamique du discours.
Notre travail va porter sur des images (sources internet 393 ) et non sur les objets effectivement présentés. Nous avons reproduit le défilé des collections printemps-été 2003 des maisons de couture Dior, Gaultier, Givenchy, Lacroix, Ungaro et Valentino sous forme des photogrammes. Chaque série de photos représente les séquences des défilés dans l’ordre chronologique en direct.
Chaque collection-discours est considérée comme un texte 394 , produit concret, issu de l’acte d’énonciation. Nous l’avons segmenté avec des critères de découpage variant d’une maison à l’autre. Chaque photogramme constituera une unité de base étendue dans l’espace (découpé). Si le nombre d’unités de l’espace A est grand, le tempo de cet espace sera lent, inversement il sera vif si le nombre d’unités est limité. Admettons que le nombre d’unités dans un espace B est plus grand que dans le précédent (espace A), le tempo sera lent et nous parlerons d’un rythme 395 croissant ou ascendant. Dans le cas inverse, nous parlerons de rythme descendant entre les espaces.
Au sein de la collection-discours « circulent » des valeurs et des sèmes manifestés par des figures. Dans ce flux d’énergie et d’interaction, des tensions et des phénomènes sensibles (rythme, tempo) sont provoqués entre les valeurs. Et c’est ainsi que se rejoignent le « sémiologique » et le tensif.
Des effets de présence sont provoqués par un surplus d’intensité des sèmes, soit au niveau plastique entre les formants (couleurs-couleurs, couleurs –tissus,) ou entre le plastique (plan de l’expression) et le plan du contenu, soit au niveau de l’énonciation (rythme, tempo).
Nous parlerons d’intensité ou tonicité (grande ou faible), quand nous nous référerons aux valences d’intensité ou d’extensité 396 indifféremment. Les valences sont des termes marqués, saillants, qui proviennent de n’importe quelle catégorie (sémantique, plastique). Les effets d’atténuation de l’excès de sens visent la régularisation des tensions et créent une rythmique de la modulation des valences. Cette gestion rythmique crée des effets pathémiques, de détente et de suspens(e).
Chaque élément figuratif est un faisceau de sèmes en attente d’actualisation (ou de virtualisation) dans le contexte discursif par l’acte de lecture. Les opérations interprétatives (assimilation, dissimilation et propagation 397 ) réalisées par le lecteur mettent en place le dispositif qui établira les conditions de la bonne visibilité-lecture. La bonne forme sera atteinte par les augmentations ou les diminutions des contrastes sémantiques.
Si dans le premier chapitre d’analyses nous avons traité du noyau sémantique avec des valeurs d’ordre sémantiques-conceptuelles, dans les chapitres suivants nous aborderons des valeurs d’ordre perceptif (par exemple la /simplicité/ comme valeur d’un jugement esthétique) et la forme (visuelle-plastique) de ces valeurs.
Dans ce chapitre, nous allons voir comment le plastique est construit dans le contexte discursif, où le global régit le local. Nous allons comparer par exemple le noir qui devient plus lumineux ou plus sombre, ou le satin qui signifie la brillance ou la lumière des stars du cinéma dans les maisons de couture et dans des contextes différents.
Après la présentation de la collection 398 , suivront des remarques générales et une segmentation de la collection-discours. Nous étudierons ensuite les critères de segmentation ainsi que les effets de présence et de gestalt déclenchés au sein de l’énoncé visuel.
Cf. www.style.com .
Cf. FLOCH J-M., , Sémiotique, Marketing et Communication, op.cit.
Plus des détails sur la question du rythme dans le chapitre suivant.
Pour la définition de ces termes, voir FONTANILLE J., ZILBERBERG C., Tension et signification, Liège, Mardaga, 1998.
Pour la définition de ces termes, voir notre chapitre sur la présence.
Une présentation des collections sous un format plus grand sera exposée dans les annexes.