2.2. Commentaires sur la collection segmentée

La collection débute avec une série des robes monochromes aux couleurs pastel et des chapeaux aux larges bords. On retrouve dans les détails fleuris affichés sur les chapeaux les couleurs des robes. Le tissu satiné actualise les sèmes /intensité/ et /brillance/ et par afférence le sème /rapidité/. Celui-ci apporte une touche de modernité et donne le ton d’un tempo accélérateur de la collection. Les images « glissent » rapidement et se succèdent de façon fluide les unesaprès les autres. Une tension est ainsi créée entre deux éléments qui proviennent de deux composantes différentes du niveau plastique ((le chromatique et le tissu par exemple) au sein du premier espace. Les couleurs pastel d’une tonicité faible et les tissus d’une intensité élevée établissent un jeu de tensions.

Dans l’espace B, la taille des chapeaux devient moins importante et leur forme s’arrondit. Entre les deux premiers espaces, se manifeste une première tension entre la forme du chapeau : le /grand/ (Espace A) vs le /petit/ (Espace B).

La matière est composée de tissus imprimés (augmentation de la tonicité) et les robes du premier espace sont remplacées par des pantalons. Une autre tension est ainsi crée entre les robes (sème inhérent féminité) de l’espace A, et les pantalons (sème afférent /aisance/, /pratique/) et /modernité/) de l’espace B.Les bijoux inspirés du pop-art (cf., image B6) activent le sème /modernité/ et virtualisent les sèmes /passé/ et /démodé/ respectivement inhérents et afférents à ‘Belle Epoque’. Les tissus imprimés et satinés aussi bien que les couleurs pastel actualisent les sèmes /joie de vivre/ et /luminosité/. L’ajout progressif du noir vers la fin de la série (images B 7, 8 et 9) annonce l’arrivée de la (non)couleur dans l’espace C.

Les tissus imprimés de l’espace suivant perdent certes en brillance avec la présence du ‘noir’, mais le sème /gaieté/ afférent aux ‘couleurs pastels’, et ‘motifs imprimés’ se propage au ‘noir’ et inhibe le sème /dysphorie/ qui lui est socialement afférent. Les chapeaux regagnent progressivement leur forme et leur taille initiales (espace A) et les retrouveront tout à fait dans la suite de la collection (effet de suspens). Le satin perd en brillance et les sèmes /transparence/ et /légèreté/ sont actualisés dans ‘tissus transparents’ et ‘dentelle’. La baisse de tonicité dans l’espace C règle les tensions provoquées dans les espaces précédents et préparent les prochaines tensions.

Dans l’espace D, les capelines retrouvent leur forme initiale et une série de six robes du soir noirs apparaissent. L’absence de couleur et le manque de brillance du tissu créent un effet de neutralité. Ce qui est perdu en tonicité plastique est rattrapé par une tonicité sémantique. Les silhouettes en total black — en assimilation avec la longueur des formes — propagent les sèmes /intensité/, /habillé/ et /mondanité/ dans ‘noir’ et — par assimilation avec le sème /gaieté/ dans ‘tissus satinés’ et ‘couleurs pastels’— le noir, en relation avec la ‘fluidité’ et la ‘légèreté’ des tissus, perd les sèmes afférents /lourd/ et /tristesse/. Le noir devient, alors, « lumineux ».

L’espace E est constitué des trois robes : une première de couleur rouge, une deuxième blanche et une dernière noire. L’intensité chromatique 400 de la première tenue est atténuée par la transparence (/baisse d’intensité/) des tissus. Le blanc qui succède (couleur «effacée») provoque un moment neutralisé et un effet d’apaisement. Puis se manifeste une tension entre le blanc et le noir, tension intensifiée par la fente des robes blanche et noire (/intensité de provocation/). Le chapeau qui manque à la tête de la silhouette blanche se retrouve dans la coupe de la toilette blanche en forme de chapeau. C’est ainsi que le rôle du chapeau est souligné au long de la collection et que sont créés des effets de présence chez le spectateur. L’accessoire, qui joue a priori un rôle secondaire dans la mode, est protagoniste chez Ungaro. La robe suivante, une robe noire, est marquée par une large fente. La taille du chapeau de cette toilette redevient petite, ce qui atténue l’effet de surprise provoqué par la robe en forme de « chapeau renversé ».

Dans l’espace F — qui constitue la plus grande étendue (dix-sept robes) — se manifeste l’effet de la plus grande tonicité de la collection, grâce à la présence des tissus satinés et imprimés du soir 401 et des chapeaux qui regagnent progressivement leur taille et leur forme, mises en suspens dans la dernière image de l’espace E. Sont activés, d’une part, les sèmes /habillées/ et /soirée/ inhérents aux ‘toilettes du soir’ et sont actualisés d’autre part, le sème /euphorie/ afférent au ‘tissus imprimés’ et le sème /rapidité/ afférent au ‘satin’. Le parcours chromatique des tonalités plus sombres aux tonalités plus claires de la fin de la collection est inhabituel et surprenant 402 .

La robe de mariée en satin et tulle (Espace G) clôt la collection 2003. La « mariée » vêtue d’un chapeau en voilette 403 et d’une forme simple résume bien la sophistication et l’esprit du créateur.

Notes
400.

Le rouge est couleur d’intensité et d’étendue grande. Elle provoque un effet d’éclat.

401.

Par propagation des ‘robes de soirées’ inhérentes dans l’espace précédent.

402.

La collection représente la durée d’une journée, du matin au soir. Les couleurs claires signalent le jour et débutent la collection et les couleurs plus sombres sont utilisées pour la soirée.

403.

On a retrouvé la voilette à d’autres instances précédemment.