La collection démarre avec une série de vêtements noirs 409 . Le sème /sombre/ activé par le noir dès le début de la collection, sans effet de sème /luminosité/ (‘tissus mats’) crée un sentiment /lourd/. L’ajout du beige au milieu de ce premier espace annonce l’arrivée du blanc dans l’espace suivant. La présence des dentelles et des jeux de transparence ajoutent en sophistication.
L’espace B est marqué par le sème /blancheur/. Une première tension apparaît donc entre l’espace A et B (/noirceur vs blancheur/). Le sème /lumière du jour/ pourrait être activé par la présence du sème /inchoatif/, puisque les vêtements se présentent au début de la collection. La neutralité des couleurs des deux premiers espaces démontre bien que le nouveau créateur de la maison veut rester proche des valeurs sûres et diachroniques, tant au niveau thématique que perceptif. La coupe et les formes donnent aussi à la collection un esprit de trop ordonné, trop carré et statique.
L’espace C est composé d’une sérié de noirs (retour du noir mis en suspens dans le premier espace). Une tension se crée entre la /féminité/ d’Audrey Hepburn et le sème /masculin/ activé dans la silhouette où le visage reste caché par un large chapeau. Le sème /féminité/ propagé dans l’ensemble de la collection inhibe le sème /masculinité/ de la silhouette androgyne et active par propagation le sème /mystérieux/.
La finale contient les toilettes du soir longues accentuées par des éléments de brillance (Cf. la deuxième ‘robe rose’) et des éléments de provocation (‘fentes’). La finale annonce l’arrivée de la couleur. Les tons du bleu clair au bleu foncé aussi bien que le rose pâle ne sont ni introduits antérieurement ni ne constituent des éléments justifiés par une dynamique d’ensemble. Leur apparition soudaine pourrait inverser la prévisibilité de la collection et évoquer un effet de surprise. Le manque de cohésion avec les espaces précédents aussi bien que le manque de jeu des modulations d’intensité rythmique 410 réduit les possibilités d’effets pathémiques. Une certaine explication du parcours avec des effets de rappel, pourrait corréler les espaces entre eux et créer des effets de suspens aussi bien qu’une certaine dynamique.
Les valeurs identitaires de la marque, le ‘sexy chic’, qui sont une combinaison des valeurs socio-esthétiques et des valeurs provenant de la zone limite, semblent ne pas être respectées. Le caractère sporadique et non systématique des quelques tentatives de création des effets toniques (‘maillot de bain’, ‘la silhouette androgyne’ ou encore la ‘silhouette finale’, un mélange de sexy et de mystère) n’a pas réussi à sortir la collection de l’atonie et de l’ennui. Chez un autre adepte du style classique, Valentino, il a suffi d’une organisation du pôle chromatique centrée sur le rouge (grande intensité) pour réaliser un effet de dynamisme.
Les valeurs de la maison doivent être partagées par sa clientèle (icône Audrey Hepburn), comme c’est le cas chez Valentino d’ailleurs. Mais à l’opposé du créateur italien qui s’adresse à la femme dans la salle (la star c’est la cliente), le créateur de chez Givenchy a eu du mal, selon nous, à impliquer les spectateurs. Le caractère de la collection, clos et tourné vers le passé avec les auto-citations, restait monotone.
Pour le noir, voir : FONTANILLE J., « Sans titre…ou sans contenu ? » Approches sémiotiques sur Rothko, NAS, N°34, 35, 36, 1994. ZILBERBERG C., «Éloge de la noirceur », Protée, Vol.31, n°3, hiver 2003. RENOUE M., « Dynamiques et densités du voir et du vu : l’exemple de N ° 14 (BROWNS OVER DARK), 1963, De Mark Rothko, Protée Vol.31, numéro 2, automne 2003. BEYAERT-GESLIN A., « La couleur, la profondeur, les sensations, quelques intérieurs de Matisse », Ateliers de sémiotique visuelle, Paris, PUF, 2004, pp.209-224.
Le problème de rythme est lié au fait que la collection a été courte.