6.2. Commentaires sur la collection segmentée

Le premier espace est composé de vingt silhouettes. Comme nous l’avons déjà évoqué ci-dessus, la collection démarre avec l’apparition des moines chinois vêtus en costumes traditionnels rouges. Succèdent les créations Dior roses en formes géantes, qui créent une intensité au niveau des volumes (élargissement des formes) par rapport aux costumes chinois. Une baisse de tonicité s’effectue au niveau chromatique. Le rouge des cinq premiers images de l’espace A perd en intensité et devient rose. La tonicité chromatique faible en relation avec la neutralité du noir (le rose est associé à du noir) produit un effet d’équilibre à la forme géante 414 .

Les plis des robes de l’espace A assimilés àla performance des acrobates activent le sème /mouvement/. Même si les formes sont géantes, il y a du mouvement. Le satin des deux premières qui brille signale un effet de /majestueux/ et de /précieux/ aussi bien que de légèreté. La troisième création apaise encore plus, car le tissu devient encore plus transparent et encore plus léger (tulle). L’image-silhouette suivante garde les sèmes /grandeur/ et /intensité/ activées dans ‘chapeau géant’ et introduit un changement des couleurs : le bleu, le jaune et le vert, couleurs de la robe vont être répandus dans la suite de la collection. Le changement chromatique va être mis en suspens au profit du changement des formes. Les formes géantes et volumineuses vont devenir des formes longilignes. Le retour du rouge encore plus foncé signale que plus on perd d’intensité de volume, plus on gagne d’intensité chromatique.

Les couleurs jaune et verte activées dans l’image dix de l’espace A vont être réactualisées après l’apparition de la silhouette longiligne. Celle-ci a suspendu le rythme d’intensité chromatique (le rouge « foncé ») avec une baisse de tonicité (‘rose pale’). Les dernières images actualisent les couleurs mises en suspens et gardent la forme plus longiligne. Le retour à une forme géante s’effectue dans l’image dix-huit. Elle sera atténuée par une forme moins volumineuse dans l’image suivante (image dix-neuf).

La dernière image-silhouette est en rose et en fuchsia (c’est-à-dire une combinaison d’intensité chromatique forte (fuchsia) et faible (rose) et la forme est plus arrondie.

Le retour aux images précédentes évoque l’ancrage dans le passé et la tradition. Galliano crée le nouveau en s’appuyant sur le déjà existant.

Le deuxième espace est composé d’une série de robes de tonalité bleu-violet. Un moine vêtu en totalité de bleu introduit l’espace B. Suit une robe Dior dans les mêmes tonalités que le costume traditionnel qui la précède. L’arrivée d’un moine chinois de plus insère le sème /dynamisme/ et réanime la série des vêtements. Le bleu est la couleur dominante. Le bleu couleur royale de l’occident devient de plus en plus foncé et prend la forme du costume chinois (images sept et huit de l’espace B). Elle est aussi associée à la couleur jaune (connotation de la royauté orientale) et au vert (composante dérivée du jaune et du bleu). Ce qui est intéressant à noter, c’est que le sème /sinité/ apparaît quand il y a la couleur bleu (qui appartient à l’occident), ce qui renforce l’esprit du dialogue entre la chine et l’occident. Le rythme décroissant de l’espace A à l’espace B, aussi bien que la tonicité faible des formes, crée un effet d’apaisement chez le spectateur. Cet apaisement est de fait nécessaire suite au premier espace qui instaure un sentiment bizarre et étrange avec les vêtements extravagants.

Le troisième espace est marqué par une baisse aussi bien au niveau du rythme que de la tonicité chromatique du jaune et du rouge. Cela prépare à l’intensité dans l’espace suivant. Le rythme est symétrique avec les espaces B et C ralentissant le rythme ascendant, ce qui apaise le sentiment de surprise provoqué par les espaces précédents. Nous constatons deux types de rythme : un extérieur qui concerne la rythmique des espaces entre eux et un autre interne qui concerne la tension dynamique et conflictuelle apaisée et équilibrée par la suite par la rythmique générale.

La finale provoque un effet de miroir avec le premier espace. La sensation de l’apaisement (tonicité faible) est contrebalancée dans cet espace par des formes qui gagnent en volume, aussi bien qu’en légèreté.

Notes
414.

Nous pouvons facilement imaginer comment serait la même tenue extravagante en rouge. Le résultat serait trop excessif.