4.2.2. Effets rythmiques dans la collection-texte segmentée

  • A
  • B
  • C
  • D
  • E
  • F
  • G
  • H
  • I

La pluralité des thèmes provoque un tempo sémantique vif. Le premier espace est composé de vingt images-séquences. Il débute par une narrativisation du thème habiller/déshabiller. L’homme (tonicité faible dans le contexte de la collection féminine) propulse la collection. La femme marquée d’une tonicité sémantique grande succède la première photo et prépare la séquence en couple femme-homme (l’homme qui habille la femme). Une image saillante est (quatrième photo) celle de la silhouette androgyne, d’une intensité sémantique et perceptive forte. Celle-ci crée un effet de rétention de la rencontre homme-femme et signale le changement thématique : /militaire/. L’importance de cette figure complexe (‘androgyne’), est aussi présente tout au long de la série. On ne sait pas s’il s’agit vraiment d’un homme ou d’une femme déguisée en homme. En réalité c’est une femme qui joue le rôle de l’homme. C’est ainsi que Gaultier traite un de ses thèmes favoris, le mélange des genres.

Le militaire est une occasion de parler de l’ethnique, aussi bien que la multitude des lieux où la femme a voyagé et a rencontré ses amants. L’image -séquence treize reprend la série habiller-déshabiller. C’est encore un officier qui va offrir son manteau et habiller la femme (répétition de la séquence du début). Une troisième répétition de la scène crée un effet de surprise : c’est la femme qui se déshabille (enlève son manteau) et habille (offre son manteau à) l’homme. Avec la dernière séquence de ce premier espace, nous constatons un accroissement de l’intensité rythmique (effet de décalage, détournement de l’histoire et réversion des rôles).

Suit le deuxième espace d’une étendue plus réduite et d’une tonicité faible (nombre limité et silhouettes non saillantes) pour apaiser des effets d’une tonicité forte dans le premier espace. Le sème de décalage est activé avec le port du vêtement décalé. Un accroissement de la tonicité s’effectue à la fin de la série avec la couleur vive.

L’espace C est composé de quatre photo-séquences d’une tonicité faible. Un jeu d’intensité se crée à l’intérieur de l’espace avec l’alternance de [+tonique (chapeau) /-tonique (silhouette sans chapeau); +tonique (chapeau)/-tonique (chapeau)].

La présence de seulement deux silhouettes vêtu(e)s de costumes masculins marquent une tonicité sémantique et perceptive faible. L’œil est apaisé. Cet espace crée un effet de rétention aux espaces précédents (et plus particulièrement l’espace A +tonicité) et prépare l’arrivée d’une thématique masculine : le militaire.

Suit l’espace avec la série des officiers. Cet espace gagne en tonicité (accroissement du nombre des photos). Le moment le plus saillant de cet espace arrive vers le milieu de la série, avec la couleur jaune moutarde.

L’espace F est propulsé par le formant monocle qui crée quatre images photos. L’accessoire se retrouve en trois silhouettes avec un intervalle d’une silhouette noire sans monocle. Ceci crée un jeu d’intensité entre les valences +/- toniques.

L’espace G (deux silhouettes) porte sur le thème de la laine et est d’une tonicité faible.

Les dix images de l’espace H qui suivent, sont la répétition du sème /militaire/ avec comme points saillants la deuxième image (rouge intense) et la septième (/nudité/+/militaire/). La répétition du /sème/ militaire est donc marquée à la fin de la collection, par un accroissement de la tonicité perceptive et sémantique.

Le retour de la femme-fatale ( ?) ouvre l’espace de la finale et après la présence d’une robe(ou uniforme ?) arrive l’homme (serait la variante de l’androgyne ou l’un de ces hommes retrouvés dans l’espace A ?) vêtu d'une panoplie et qui est prêt à habiller -le port du manteau rappelle le premier espace- la mariée. Le thème du début, de la rencontre amoureuse entre l’homme et la femme se termine comme un beau récit. L’énigmatique et le mystérieux ajoutent une grande tonicité pathémique à la subtilité et aux valeurs ludiques de la collection. Les effets de surprise, les bouleversements, la référence de ses propres valeurs ludiques par le sème inhérent /décalage/ dans le port décalé du vêtement, sont bien orchestrées avec les jeux de complémentarité entre traits saillants. Par exemple, la figure (espace) B6 saillant est associée avec la figure E5, figure marquée au sein de son espace. Les deux figures sont marquées par un effet de complémentarité (vert/jaune).

Avec Gaultier, nous nous retrouvons dans un espace de sophistication extrême. Les lignes nettes et simples, les formes simples sont associées à un rythme complexe (d’extrême délicatesse et précision). Rien n’est fait au hasard. L’œil ne se fatigue pas et en même temps, le message d’une thématique est assuré afin de marquer le spectateur. Les rimes entre les espaces aussi bien que les jeux rythmiques de valences assurent une grande cohérence et un traitement à la fois sérieux et subtil de vêtement.