I. Les exploitants : parcours multiples, moyens inégaux.

Les salles de cinéma naissent essentiellement d’initiatives individuelles et non concertées, ce qui explique le caractère atomisé de l’exploitation cinématographique lyonnaise. Des trente-neuf établissements qui coexistent à la veille de la guerre, seuls quatre sont exploités par une société d’envergure nationale. Tous les autres sont dirigés à l’échelon local, et près des deux tiers appartiennent à un individu qui n’exploite pas d’autres établissements. La prédominance des petits indépendants au sein de l’exploitation cinématographique est en fait générale en France. Claude Forest souligne cette spécificité nationale en la comparant à l’exploitation américaine, où la concentration est bien plus forte, et explique cette différence par la forte ruralité française, qui empêche les grandes compagnies de se développer ³⁰² . Sans doute faut-il aussi insister sur la place importante du petit commerce. Dans les villes françaises, celui-ci se développe considérablement dans le dernier tiers du XIXe siècle ³⁰³ . Or, le cinéma ne diffère pas vraiment des autres activités commerciales, en tout cas dans les conditions nécessaires à son exploitation. La relative facilité avec laquelle on ouvre une salle de cinéma explique que des individus venus de tous les horizons – et aux moyens financiers fort contrastés – puissent participer au développement du spectacle cinématographique. En vérité, le morcellement de l’exploitation cinématographique lyonnaise caractérise essentiellement les années 1910-1914. La diffusion du cinéma dans les années 1905-1909 est avant tout affaire de professionnels.