b) Les programmes du cinéma éducateur

Les premières projections cinématographiques organisées par la ville de Lyon sont relativement courtes. Dès le mois de juin 1921, Gustave Cauvin pense qu’il ne faut pas qu’elles dépassent (manque de films ?) 500 à 650 mètres, soit une heure de spectacle au maximum 1106 . Les séances données à partir du mois d’octobre 1921 sont très certainement calquées sur ce modèle. Elles ne sont en effet composées que de cinq à six documentaires, et d’un petit film « amusant 1107  ». La séance donnée un an plus tard dans la salle de la Scala et devant 1 300 enfants est rigoureusement identique 1108 . Le spectacle proposé par le cinéma scolaire n’est donc pas encore en mesure de concurrencer les salles commerciales.

L’acquisition de films de plus en plus nombreux va progressivement conditionner un allongement des séances. Parallèlement, la ville de Lyon achète plusieurs films de moyen et long-métrage à des distributeurs : un film de 1 675 mètres, L’Océan, chez la maison Laune et un autre de plus de 1000 mètres chez Pathé au début de l’année 1922 1109 . Lors de sa fondation en 1924, l’ORCEL est en mesure de proposer aux enfants des écoles des séances dignes de ce nom. Celles-ci durent désormais deux heures environ (de 1 000 à 1 200 mètres) et sont composées de plusieurs documentaires, d’un comique – un charlot – et d’un grand film en plusieurs parties 1110 . Bref, une séance de cinéma classique, même si les documentaires occupent une place importante.

Ceux-ci sont extrêmement diversifiés. On retrouve des documentaires géographiques (Amsterdam, La vallée de la Romanche), de sciences naturelles (La vie des abeilles) et des films de propagande hygiénique (Soignez vos dents). Ils semblent donc particulièrement bien adaptés au jeune public. Toutefois, l’ORCEL est limité par les ressources de sa cinémathèque et il est indéniable que le pragmatisme préside le plus souvent à la composition des programmes. D’une Exposition canine à L’élevage des autruches en Californie, les enfants – ou le public des salles d’œuvres – sont confrontés à des sujets fort éloignés de l’enseignement scolaire.

Les grands films, quant à eux, sont peu nombreux dans la collection de l’ORCEL. Une situation dont se plaint le directeur d’une école de Villeurbanne :

‘« Les films produits ont tous été vus par les enfants pour la 2e – quelques-uns pour la 3e fois -. Des films nouveaux attireraient un plus grand nombre d’enfants. Il est étrange qu’une organisation comme le cinéma scolaire ne dispose pour la région lyonnaise que d’une douzaine de grands films qui reviennent aux mêmes groupes avec une régularité de chronomètre. L’office ne pourrait-il les expédier un peu dans la Loire, l’Isère où il assure aussi ce service. Ces films d’ailleurs sont en général en fort mauvais état, des parties entières manquent. Les séances ne sont que rarement conformes aux programmes, choses qui enlèvent aux séances une partie de leur charme et incitent les enfants à les déserter 1111 . »’

De fait, les critiques sur la qualité des programmes sont nombreuses au sein du personnel de l’enseignement. L’ORCEL manque de moyens pour restaurer des films projetés plus d’une trentaine de fois la même année et pour acquérir de nouveaux titres. Cela explique les dérapages qui surviennent parfois : en 1928, les enfants des garderies municipales d’Oullins se sont ainsi retrouvés devant Naissance d’une nation, au grand dam de leur instituteur 1112 . De fait, Gustave Cauvin est parfois plus à l’aise pour acquérir des grands films du patrimoine et défendre ce que l’on appelle pas encore le cinéma d’auteur 1113 que pour composer des séances pour les enfants. Il reste que l’ORCEL propose chaque semaine aux enfants des écoles publiques de l’agglomération lyonnaise des séances cinématographiques complètes. Les enfants, après tout, vont bel et bien au cinéma.

Notes
1106.

AML : 0110 WP 012 : Lettre de Gustave Cauvin, datée du 9 juin 1921.

1107.

Idem : Descriptif des séances données le 27 octobre 1921.

1108.

Idem : Note datée du 10 juillet 1922.

1109.

AML : 0110 WP 012 : Facture de Pathé-consortium-cinéma datée du 18 janvier 1922 & note sur les dépenses à régler, février 1922.

1110.

AML : 0206 WP 002 : Rapport de Gustave Cauvin, 1er juillet 1925.

1111.

AMV : Dossier du cinéma éducateur, lettre du directeur de l’école de garçons rue Berthelot à Villeurbanne à la municipalité, datée du 25 novembre 1926.

1112.

AM Oullins : 2 R 2 : Comité du cinéma scolaire et éducateur d’Oullins, séance du 28 juin 1928.

1113.

CAUVIN Gustave, Perséverer, op. cit.