B. Les collationes

Quelques sermons sont explicitement désignés dans le manuscrit parisien comme étant des collationes : il s’agit des sermons 30, 65 et 69 52 . Par ailleurs Guillaume fait allusion à trois autres collationes qu’il cite en renvoi, comme il a l’habitude de le faire, mais ce sont des références peu claires. Ainsi dans le sermon 26 53 , il dit : quere concordantias, si uis, nota introitum collationis istius sermonis precedentis Siquis loquitur quasi sermones. On ne comprend pas très bien à quelle collation il fait allusion, mais il s’agit probablement du sermon 25, bref sermon qui est le complément du sermon 24. Mais l’introduction du sermon 25 a peu de rapports avec la dernière partie du sermon 26, où se trouve le renvoi. De même, dans le sermon 78 consacré à saint François, on lit le renvoi suivant (f. 180va) : auctoritatem hanc habes exposita in collatione que incipit Amice etc. et sunt ibi multa que possunt applicari ad beatum Franciscum. Or les deux sermons dont l’incipit contient le mot amice sont précisément les sermons 77 et 78, ce qui équivaut à une sorte de renvoi en boucle. Quelques lignes plus loin, Guillaume annonce une nouvelle collation : ut habes in collatione predicta, in alia que incipit Sedet ad dexteram Maiestatis in excelsis. Mais aucun sermon ne commence par ce verset. On retrouve donc le même cas de figure que pour les renvois erronés de sermon à sermon. Il existe enfin une dernière catégorie de collations, que l’on peut probablement désigner ainsi même si Guillaume ne précise rien à leur sujet : ce sont les sermons brefs donnés à la suite d’un sermon construit sur le même verset. On en trouve quelques uns dans la collection, sans pour autant être sûr qu’il s’agisse de collation à proprement parler 54 . La collatio est un genre de sermon dont Olga Weijers 55 donne une définition précise : « Dans le milieu universitaire, il s’agit d’un genre de sermon, qui diffère du sermon ordinaire (sermo) du fait qu’il est plus court et plus simple. En fait, la collatio universitaire est généralement une prédication où l’on reprenait, après vêpres, le sujet du sermon du matin ou qui constituait simplement la fin de ce sermon, mais il arrive aussi qu’elle fût une prédication autonome faite par un autre maître ou bachelier. [Elle] avait lieu les dimanches et jours de fête non pas dans l’église, mais, par exemple, devant l’auditoire d’un couvent. » Cette définition correspond très bien au cas de Guillaume de Sauqueville : les collationes sont généralement des sermons plus courts que les autres et qui se rattachent assez clairement au sermon qui les précède. Le sermon 69 est caractéristique : construit sur le même verset que le sermon 68, soit Mt. 7, 31, il constitue un approfondissement du thème du fleuve traité dans le sermon, comme le souligne Guillaume dès la première phrase (f. 159ra) : sicut in sermone dictum fuit, differentia est inter torrentem et fluuium quia torrens frequenter deficit antequam ad mare perueniat, set fluuius undique continuat cursum suum. A partir du verset Eccle. 1, 7, il choisit de poursuivre sur le même thème et de comparer la Vierge au fleuve Jourdain : spiritualiter beata Virgo non solum propter causas dictas in sermone, ymmo etiam propter alias potest fluuio et maxime Jordani proprie comparari. Quatre points de comparaison sont ensuite détaillés puis la collatio se transforme en un véritable sermon : lorsque le prédicateur conclut cette quadruple comparaison et revient au thème initial, il introduit en fait une nouvelle division à partir du verset Can. 4, 8 et ajoute un nouveau développement. La collation est un sermon comme les autres pour Guillaume, les circonstances particulières qui encadrent ce type de texte n’affectent ni le contenu ni la forme.

Notes
52.

Sermon 30 : f. 84ra-85rb : tertio pro collatione. Celestis prebenda est nobis debita ratione donationis legatarie… Sermon 65 : f. 150va-151rb : de secundo principali in collatione dicebatur quod sibi morienti quicquid est nociuum… Sermon 69 : f. 159ra-161va : Exiens de finibus Tyri uenit per Sydonem ad mare, Mc. VII (31). Sicut in sermone dictum fuit, differentia est inter torrentem…

53.

f. 69rb-73rb : Si quis loquitur quasi sermones Dei, I Pe. 4 (11). Homo qui numquam exiuit nec exire desiderat…

54.

Ainsi le sermon 74, f. 168rb-169vb : Angelis suis mandavit de te ut custodiant te. Auantagium magnum est ei qui habet… est suivi d’un sermon construit sur le même verset, mais plus court (f. 169vb-171va).

55.

O. Weijers, Terminologie des universités au XIIIè siècle, Roma : Ateneo, 1987, p. 372-373. L’auteur indique les différentes acceptions de ce terme, notamment celle de dispute universitaire, et ajoute que cette pratique de prédication a peut-être été introduite à l’université de Paris par le dominicain Jourdain de Saxe. Les premiers exemples de collationes remontent aux années 1240. Pour une mise au point bibliographique récente : Mariken Teeuwen, The vocabulary of intellectual life in the Middle Ages, Turnhout : Brepols, 2003 (CIVICIMA, 10), p. 232-234. Voir aussi Jacqueline Hamesse, « Collatio et reportatio : deux vocables spécifiques de la vie intellectuelle au Moyen Âge », dans Terminologie de la vie intellectuelle au Moyen Âge. Actes du colloque Leyde 20-21 sept. 1985, ed. O. Weijers, Turnhout : Brepols, 1988 (CIVICIMA, 1), p. 78-83. J. Hamesse a précisé la définition du sermon universitaire dans : « La prédication universitaire », dans La predicazione dei frati dalla metà del ‘200 alla fine del ‘300. Atti del XXII convegno int. (Assisi, ott. 1994), Spoleto : Centro di studi sull’alto Medioevo, 1995, p. 47-79. Elle souligne notamment la difficulté de caractériser les sermons universitaires du fait du manque de renseignement sur les conditions mêmes de la prédication.