I - La construction du sermon

La construction du sermon aux XIIIè et XIVè siècles est maintenant un objet d’étude bien balisé depuis les travaux fondateurs d’Etienne Gilson et Jean Longère sur les textes de prédication, et de Th.-M. Charland sur les artes predicandi. Hervé Martin 147 le notait dès 1988 dans son livre sur le Métier de prédicateur, et soulignait qu’au sujet de la construction du sermon, « en ce domaine, plus qu’en tout autre, il paraît difficile d’innover. […] On connaît parfaitement bien la façon dont les sermons étaient composés. » H. Martin a donc fait le choix de s’attacher aux singularités du corpus de sermons qu’il étudiait, en introduisant une analyse fondée sur la notion d’intertextualité, ce qui lui permettait de s’épargner l’étape peu fructueuse de la simple description des sermons. Depuis cette date, la bibliographie sur la prédication s’est encore enrichie de travaux de grande précision 148 . Nous suivrons donc les traces d’H. Martin en évitant d’appliquer un mode d’analyse descriptif aux sermons de Guillaume de Sauqueville, afin de s’attarder davantage sur sa méthode de travail et ses outils. D’un point de vue général, le sermon de Guillaume de Sauqueville obéit toujours aux règles de la construction classique telle qu’elles sont établies au XIVè siècle : le sermon est fondé sur une citation de l’Ecriture appropriée à la fête liturgique du jour 149 . Le verset fait ensuite l’objet d’une division en plusieurs parties, entre deux et quatre, chacune donnant naissance à une partie du plan du sermon. Guillaume soutient son raisonnement par le biais de distinctions, de similitudes fondées sur des realia, et d’auctoritates. Quelques sermons sont dotés d’un prothème. La conclusion du sermon est généralement assez abrupte.

Notes
147.

E. Gilson, « Michel Menot et la technique du sermon médiéval », dans Revue d’histoire franciscaine, 2, 1925, p. 301-360. J. Longère, La prédication médiévale, Paris, 1983. Th.-M. Charland, Artes Praedicandi. Contribution à l’histoire de la rhétorique au Moyen Age, Paris, 1936. C. Delcorno, Giordano da Pisa e l’antica predicazione volgare, Forenze : Olschki, 1975. David d’Avray, The preaching of the Friars. Sermons diffused from Paris before 1300, Oxford : Clarendon press, 1985. H. Martin, Le métier de prédicateur en France septentrionale à la fin du Moyen Age (1350-1520), Paris : Cerf, 1988. Voir l’introduction du chapitre VII : « La construction du sermon. Un produit de la Bible et de l’école », p. 235-236.

148.

La parole du prédicateur (Ve-XVe siècle). Etudes réunies par Rosa Maria Dessì et Michel Lauwers, Nice, 1997 (Collection du centre d’études médiévales de Nice, vol. 1). Nicole Bériou, L’avènement des maîtres de la parole. La prédication à Paris au XIIIè siècle, Paris : Etudes augustiniennes, 1998. The sermon, dir. Beverly M. Kienzle, Turnhout : Brepols, 2000 (Typologie des sources du Moyen Âge occidental, 81-83).

149.

Guillaume de Sauqueville respecte sur ce point les prescriptions de la liturgie dominicaine. Aucune divergence ni singularité n’a été constatée par rapport à ce qu’indique Maura O’Carroll dans : « The lectionnary of the Proper of the year in the Dominican and Franciscan rites of the thirteenth century », dans Archivum fratrum Predicatorum, 49, 1979, p. 79-103.