c. les auctoritates non scripturaires

Guillaume de Sauqueville emploie des auctoritates d’origine non biblique 173 , c’est-à-dire provenant des Pères de l’Eglise, des auteurs médiévaux et parfois d’auteurs antiques. Le panorama de ces sources est assez varié. Il cite au total 28 auteurs différents 174 . Une autre partie des auctoritates est attribuée à des auteurs indéfinis désignés de manière floue comme quidam sanctus… Pas de surprise parmi les auteurs les plus cités : saint Augustin vient en tête, avec à lui seul 113 occurrences, puis Grégoire le Grand et saint Bernard. Tout ceci révèle des choix très classiques. Parmi les auteurs antiques, Sénèque a sa préférence, avec dix extraits figurant dans les sermons. On note la présence d’un auteur qu’il nomme Agellius, et qui est en réalité Aulus Gellius 175 . Guillaume de Sauqueville connaît aussi les œuvres d’Aristote, qu’il cite sous le nom habituel de Philosophus. On compte au total cinq citations renvoyant aux œuvres d’Aristote, et plus précisément à quatre œuvres différentes : le De anima, cité deux fois dans les sermones de tempore, le De sophisticis elenchis, l’Ethica et la Metaphysica dans les sermones de sanctis. Il s’agit de citations en latin uniquement, et d’une grande imprécision quant à la référence exacte. Il est très probable que Guillaume les ait puisées dans un florilège. Le choix de ces références ne reflète pas du tout une réelle connaissance philosophique de la part du dominicain. La caractéristique la plus intéressante concernant les auctoritates non scripturaires tient à leur provenance : le dominicain a en effet utilisé un florilège de citations, le Manipulus florum, ce qui fait du recueil de sermons un cas d’étude intéressant 176 . Même si les auctoritates non scripturaires sont nettement moins nombreuses que les citations bibliques, il est clair que Guillaume leur accorde une grande importance : on en compte un peu plus de 480 dans l’ensemble des sermons, ce qui fait une moyenne de plus de quatre auctoritates par sermon. Le mode d’insertion des auctoritates dans le sermon est tout-à-fait classique chez Guillaume de Sauqueville. Dans le cas général, le dominicain annonce le nom de l’auteur de la citation et la donne au style direct. C’est cette méthode qu’il utilise la plupart du temps lorsqu’il puise dans le Manipulus florum. Il peut aussi la fondre dans son propre texte en l’insérant au style indirect, en précisant éventuellement le nom de l’auteur. Certaines œuvres sont probablement connues par cœur, au moins partiellement, et font partie des classiques de l’enseignement universitaire ; elles peuvent se passer de référence précise puisqu’elles constituent une sorte de culture commune. C’est le cas des Confessions de saint Augustin : Guillaume de Sauqueville cite à plusieurs reprises l’incipit de l’œuvre : Fecisti nos, Domine, ad te et inquietum est cor nostrum donec quiescat in te, sans toujours donner le nom d’Augustin et en se contentant parfois d’une citation très partielle. C’est un signe du niveau culturel que Guillaume prête à ses auditeurs.

Notes
173.

Les citations philosophiques font l’objet d’un développement particulier dans le chapitre 3 p. 125sqq.

174.

Liste des auteurs nommés par Guillaume de Sauqueville, du moins fréquent au plus fréquent (avec pour certains, entre parenthèses, le nombre d’occurrences dans les sermons) : Maximus, Alain de Lille, prelatus, Odilon de Cluny, Raban Maur, Thomas d’Aquin, Innocent III, Caton, Pierre de Ravenne, Richard de Saint-Victor, Prosper d'Aquitaine, Agellius, saint Basile, saint Anselme, Bède, Hugues de Saint-Victor, Cassiodore, Leon le Grand, Sénèque, saint Ambroise (13), Isidore de Séville (16), Jean Crisostome (21), saint Jérôme (45), saint Bernard (69), Grégoire le Grand (83), saint Augustin.

175.

La confusion entre Agellius et Aulus Gellius se retrouve aussi dans les manuscrits du Manipulus florum.

176.

Nous étudierons plus loin (87) l’usage que fait Guillaume de Sauqueville de ses instruments de travail. Je m’attarderai à cette occasion sur la façon dont il emploie les auctoritates dans les sermons (97).