Chapitre 3 : un prédicateur témoin des débats de la cité

Dès les premières lectures de son œuvre, les historiens ont saisi, dans les sermons de Guillaume de Sauqueville, le trait marquant de ces textes – quoique courant chez les prédicateurs de son temps –, pleins d’anecdotes liées à la vie quotidienne : ils permettent de discerner la vie dans le royaume de France au début du XIVè siècle, mais surtout ils livrent le témoignage d’un homme sur quelques grands sujets très débattus à l’époque. Si Noël Valois, en 1905, a essentiellement collecté les allusions au quotidien le plus terre à terre (la marche du cheval, l’accueil dans une auberge), il a tout de même noté les nombreuses diatribes contre la mauvaise vie du clergé dont Guillaume parsème ses sermons. Nous avons vu que l’historiographie a par la suite retenu l’attachement de Guillaume pour le roi de France, jusqu’à en faire un chantre de la monarchie capétienne. Le dominicain, bien qu’ayant certainement été formé dans un studium de son ordre, est par ailleurs un homme de l’université : dans de nombreux sermons, il témoigne de son excellente connaissance de l’institution et des querelles qui l’animent, y compris des querelles d’écoles et de personnes. Placé par son rôle de prédicateur à la jonction de plusieurs groupes sociaux intimement mêlés, Guillaume de Sauqueville est à la fois un religieux régulier, un sujet du roi de France et un universitaire. Cette observation prend tout son sens à la lecture des sermons puisque ces trois éléments fondamentaux, Studium, Sacerdotium et Regnum sont extrêmement présents dans la réflexion de l’auteur, dans sa vision du monde et dans ses préoccupations. Cette trilogie 281 s’avère être une clé de lecture particulièrement féconde appliquée aux sermons de Guillaume de Sauqueville, dès lors que l’on a noté le poids crucial des trois éléments susnommés 282 . Certes Guillaume de Sauqueville a eu une carrière universitaire discrète, il ne fait pas partie des hommes de premier plan de sa génération et ses textes expriment probablement plus un état de fait ressenti qu’une claire vision du monde. Néanmoins, sa conception du monde apparaît clairement organisée autour de trois éléments, Studium, Sacerdotium et Regnum, qu’il cherche à appréhender.

Notes
281.

Alexis Charansonnet, dans sa thèse sur la prédication d’Eudes de Chateauroux, utilise cette même clé de lecture ; il est vrai que la carrière d’Eudes est bien connue, de même que les circonstances de sa prédication. Voir A. Charansonnet, L’Université, l’Eglise et l’Etat dans les sermons du cardinal Eudes de Chateauroux (1190 ?-1273), doctorat nouveau régime, dir. Nicole Bériou, Université Lyon 2, 2001. Voir aussi les travaux d’Elsa Marmursztejn, notamment son article : « Les universitaires et la norme : conception scolastique du pouvoir normatif et pouvoir normatif des scolastiques à Paris au XIIIè siècle », dans Revue historique de droit français et étranger, 82, 2004, p. 15-43. Sur la théorie de la trilogie Sacerdotium – Regnum – Studium, voir Herbert Grundmann, « Sacerdotium – Regnum – Studium. Zur Wertung der Wissenschaft im 13. Jahrhundert », dans Archiv für Kulturgeschichte, 34, 1952, p. 5-21.

282.

Hervé Martin note, dans son livre Le métier de prédicateur en France septentrionale à la fin du Moyen Âge, Paris : Cerf, 1988, p. 28, que « outre sa fonction proprement religieuse, la Parole sacrée exerce également un rôle dans la vie politique et sociale », il cite en exemple un mandement de Philippe VI demandant la célébration de messes en faveur de la paix.