a. Origine de l’exemplum d’Helsin

Marielle Lamy 366 s’est longuement penchée sur le « sermon de saint Anselme » et sur le miracle d’Helsin et a clarifié, par son analyse, l’origine du Sermo de Conceptione et du miraculum, tout en montrant à quel point le récit d’Helsin est multiforme. Elle souligne en effet que le sermon est vraisemblablement « un texte à l’élaboration extrêmement complexe : la version donnée par la Patrologie latine n’est sans doute que le résultat d’un certain nombre de remaniements et d’additions à partir d’un noyau très ancien ». L’édition du Tractatus de Conceptione sanctae Mariae d’Eadmer par les P. Slater et Thurston 367 , postérieure à celle de la Patrologie latine, donne en annexe trois versions du récit d’Helsin datant de la première moitié du XIIe siècle. Elle a également permis d’attribuer le Tractatus à son véritable auteur, Eadmer, secrétaire puis biographe de saint Anselme. La première version est celle de Guillaume de Malmesbury, dans son De laudibus et miraculis sanctae Mariae. Elle est à l’origine d’une première branche de diffusion du récit et on la retrouve dans la collection anglo-normande étudiée par H. Kjellman 368 . La seconde correspond à celle du Sermo de Conceptione du pseudo-Anselme. Enfin la troisième version peut être rapprochée de celle du miraculum édité dans la Patrologie latine ; H. Thurston pense qu’il s’agit de l’œuvre d’Anselme le Jeune. Chacune de ces deux dernières versions peut être associée aux deux récits déjà repérés dans l’index de Poncelet : la seconde, celle du Sermo, au récit 1698 ; la troisième, celle du miraculum, au récit 405. La datation de ces textes est très délicate. Nous pouvons suivre la conclusion de M. Lamy 369 lorsqu’elle affirme qu’il s’agit en réalité des « deux versions courantes d’un même récit, chacune de ces versions ayant fourni la trame d’une narration détaillée comme on le voit dans la Patrologie latine ». Elle estime en outre que la version du pseudo-Anselme (Po 405) est la plus ancienne des deux car elle a su préserver davantage de détails historiques. Nous n’entrerons pas dans les détails complexes de la datation de ces deux récits ; ils ont été l’un comme l’autre composé au XIIè siècle 370 . Enfin, pour compléter ce panorama, les recueils de miracles mariaux en langue française offrent aussi une variante du miracle de l’abbé Helsin qui remonte presque aussi loin que les recueils du XIIè siècle. Une version en vers de cette histoire, intitulée La Conception Nostre Dame et dont l’auteur est Wace 371 , a été écrite avant 1155. Les 144 premiers vers de cette œuvre reprennent en vers français l’histoire d’Helsin. On y retrouve, avec plus de détails de noms et de lieux, l’histoire de la tempête, de l’apparition de l’ange et l’établissement de la fête 372 .

Notes
366.

Marielle Lamy, L’Immaculée Conception. Etapes et enjeux d’une controverse au Moyen Age (XIIè-XVè siècles), Paris : Institut d’études augustiniennes, 2000, p. 89 sqq.

367.

Eadmeri monachi Cantuariensis Tractatus de Conceptione sanctae Mariae, ed. T. Slater et H. Thurston, Fribourg-en-Brisgau, 1904, app. E, F et G, p. 88-98.

368.

Hilding Kjellman, La deuxième collection anglo-normande des miracles de la sainte Vierge et son original latin, Paris : Champion, 1922 (texte latin p. 180). Etude d’un manuscrit de la bibliothèque d’Oxford qui comprend le miracle d’Helsin.

369.

Op. cit. p. 91.

370.

Les travaux de A. Mussafia ont permis de délimiter plusieurs corpus de miracula. Sa conclusion est que la série à laquelle appartient le miracle d’Helsin est d’origine anglaise et s’est probablement constituée au XIIè siècle. Voir Alberto Mussafia, « Studien zu den mittelalterischen Marienlegenden », dans Sitzungsberichte der kaiserlichen Akademie der Wissenschaften in Wien. Philosophisch-historische Klasse, 113 (1886), p. 917-994 ; 115 (1887), p. 5-93 ; 119 (1889), fasc. 9, p. 1-66 ; 123 (1890), fasc. 8, p. 1-85 ; 139 (1898), fasc. 8, p. 1-74. L’étude de R. W. Southern aboutit en revanche à la même conclusion que T. Slater et attribue la paternité de la collection-mère du miracle d’Helsin à Anselme le jeune, neveu d’Anselme de Cantorbéry. Voir R. W. Southern, « The english origins of the Miracles of the Virgin », dans Medieval and Renaissance studies, 4, 1958, p. 176-216. L’étude du récit Po 1698 pose des problèmes plus délicats. M. Lamy (op. cit., p. 102) a repéré des variantes proches, mais incomplètes et éparses, dans plusieurs textes du XIIIè siècle. Son hypothèse est que « nous nous trouvons devant les pièces éparses d’un puzzle incomplet, mais qui suggère néanmoins fortement l’existence d’un texte primitif aujourd’hui perdu ». Et elle conclut qu’il s’agit probablement d’un texte de la fin du XIIè siècle originaire du Nord-Ouest de la France.

371.

William Ray Ashford, The Conception Nostre Dame of Wace, Chicago : the university of Chicago libraries, 1933 : édition du texte et commentaire.

372.

Voici les propos que Wace met dans la bouche de l’ange : Voe, Helcin, a celebrer / E as altres faire henorer / Le jor que ot engendrement / Sainte Marie charnalement, / Que fu conceüe en sa mere / E engendree de son pere.