1.1.1. La notion d’utilité et de surplus

La notion d’utilité en économie peut se définir comme la satisfaction que procure, à un individu, l’utilisation d’un bien ou service (l’utilisation d’une autoroute, l’utilisation du train pour se déplacer, etc.). Ainsi, la courbe d’utilité exprimée par une personne vis-à-vis de ce bien ou service en fonction des quantités disponibles et du prix est couramment représentée de manière décroissante. Plus le prix augmente et moins la quantité demandée est importante.

La notion de surplus résulte de la différence entre un prix consenti par un acteur et le prix du marché. Si la situation évolue, avec par exemple une augmentation des quantités disponibles du bien considéré, l’utilité globale que l’utilisateur en tirera augmentera à hauteur de la valeur totale qu’il attribue aux nouveaux usages qu’il pourra en avoir. Cette variation de l’utilité totale est dénommée variation du surplus de l’utilisateur.

Le passage du concept d’utilité et de variation du surplus au niveau collectif s’effectue par une double opération :

  • tout d’abord la courbe d’utilité d’une personne est ramenée en unité monétaire, à partir des sommes qu’elle est prête à verser pour différentes quantités mises à sa disposition ;
  • ensuite, il est considéré que les fonctions d’utilité des différentes personnes, une fois monétarisées, peuvent s’additionner, permettant de calculer une courbe d’utilité collective et une variation du surplus collectif.

Cette double opération se fait cependant au prix de deux imprécisions. D’une part, elle suppose que l’unité de mesure de l’utilité est neutre et que la valeur de l’argent reste identique quel que soit, notamment, le revenu des personnes considérées. D’autre part, elle gomme les spécificités des préférences de chacun. Si elle rend compte d’une modification de l’utilité collective globale liée à une variation de la quantité d’un bien non marchand, elle ne permet par contre pas de savoir s’il existe des intérêts divergents entre les acteurs concernés.

Prenons un exemple pour illustrer ces deux notions.

Figure 1. Représentation des notions d’utilité et de surplus
Figure 1. Représentation des notions d’utilité et de surplus

Pour un service donné, comme l’utilisation d’une infrastructure de transport, le consentement à payer des différents usagers classés par ordre décroissant forme la courbe de demande ou d’utilité, qui est par simplification représentée par une droite. Considérons la courbe de demande ci-dessus qui indique les prix que les usagers de la route seraient disposés à payer pour emprunter l’itinéraire ou dit autrement les coûts de circulation que les usagers seraient prêts à supporter. Supposons que nous nous situions au départ en a (C1,T1), à ce point nous avons pour un coût de circulation C1 un niveau de trafic T1.

En a, la disposition à payer est donc égale à :

  • 0T1aC1, somme que les usagers paient effectivement,
  • C1ad, somme que les usagers seraient disposés à payer en plus, mais qu’ils ne supporteront pas compte tenu du prix d’équilibre a (C1,T1).

Supposons maintenant que la mise en place d’une infrastructure de transport baisse le coût du transport de C1 à C2, ce qui conduit les usagers à demander la quantité T2. La disposition à payer des usagers qui était de 0T1aC1 va passer à 0T2bC2. Par rapport au coût C1, ils vont faire une économie de C2baC1, ce qui constitue leur variation de surplus. Cette variation peut être décomposée en deux parties :

  • la partie C2caC1 qui correspond à l’économie réalisée par ceux qui empruntaient déjà l’itinéraire (anciens usagers de la route) avant que n’intervienne le projet d’infrastructure.
  • la partie abc qui correspond à l’économie sur la disposition à payer dont bénéficient les nouveaux usagers qui viennent s’ajouter aux précédents et qui peuvent désormais emprunter l’itinéraire du fait de la baisse du prix.

Lorsqu’une nouvelle infrastructure est mise en service, les usagers de la route ne sont pas les seuls à être concernés. Ainsi, au surplus des usagers viennent s’ajouter les pertes ou les gains de surplus pour la collectivité et pour les différents agents économiques concernés par un changement du système de prix. Pour un projet d’infrastructure de transport nous pouvons citer parmi ces agents :

  • la collectivité dans son ensemble qui est concernée par les variations des pollutions, de l’insécurité routière et du bruit ;
  • l’État qui est concerné par les variations des recettes fiscales et/ou de coûts d’exploitation et d’entretien ;
  • les entreprises de transports qui sont concernés par les variations de leur Excédent Brut d’Exploitation.

La variation du surplus collectif entraîné par un projet est donc la résultante des variations des différents surplus des acteurs concernés. Les effets non marchands entrent également en compte dans les calculs. Avant de voir comment ces effets sont valorisés, regardons comment le calcul économique aborde la question du temps dans ces évaluations.