b) Le taux d’actualisation et la valorisation des effets non marchands

Le niveau du taux d’actualisation pris en compte pour les calculs de rentabilité peut avoir un impact non négligeable sur l’importance des coûts et des gains. Plus les gains ou les coûts considérés sont éloignés dans le futur, plus leur valorisation est faible. Plus le taux est élevé, plus cet effet d’écrasement est important. Cette relation pose particulièrement le problème de la prise en compte à long terme des considérations environnementales. Comment les conséquences dues au réchauffement climatique doivent-elles être prises en compte aujourd’hui alors que ses conséquences se manifesteront dans 50, 100 ou 200 ans ? L’actualisation, qui reste une opération purement mathématique, apparaît dès lors incompatible avec certaines préoccupations de la société concernant le long terme.

Pour répondre en partie à ce problème, en 2005, la puissance publique a décidé de réviser le dispositif en vigueur en France depuis 1985 et d’abaisser le taux d’actualisation. Ainsi, suite aux travaux du Commissariat Général du Plan sur ce sujet, sous la présidence de Daniel Lebègue (CGP, 2005), le taux d’actualisation est passé de 8 % à 4 % et suit une règle d’évolution qui l’amène à 3,5 % après 2034 et à 3 % après 2054.

Quel est l’effet d’une telle décision sur l’importance des gains de sécurité routière et des coûts liés à l’effet de serre ? Selon la règle d'évolution définie par le Commissariat Général du Plan qui fait évoluer de +3 %/an après 2010 la valeur d'une tonne de carbone (tCb), cette valeur à l'horizon 2030 serait de 181 €/tCb. Selon le taux d'actualisation en vigueur aujourd'hui et selon la règle d'évolution de ce taux dans le temps, cette même valeur est comptabilisée dans les calculs de rentabilité à 68 € en 2005. Avec l'ancien taux d'actualisation de 8 %, cette valeur aurait été de 26 €. Ainsi avec le changement de taux d’actualisation, la prise en compte dans les calculs des coûts liés à l’effet de serre dans le futur est renforcée.

Figure 3. Impact du taux d’actualisation sur la valeur de la tonne de carbone
Figure 3. Impact du taux d’actualisation sur la valeur de la tonne de carbone

De la même manière, les valeurs de la vie humaine sont mathématiquement rehaussées. Regardons ce que cela donne avec la valeur tutélaire d’un tué. Selon la règle d'évolution définie par le Commissariat Général du Plan d’augmenter de +1,6 %/an les valeurs de la vie humaine, qui est l’hypothèse moyenne d’évolution de la consommation finale des ménages par tête, la valeur du tué, à l'horizon 2030, serait de 1 691 K€. Selon le taux d'actualisation en vigueur aujourd'hui et selon la règle d'évolution de ce taux dans le temps, cette même valeur est comptabilisée dans les calculs de rentabilité à 634 K€ en 2005. Avec l'ancien taux d'actualisation de 8 %, cette valeur aurait été de 247 K€.

Figure 4. Impact du taux d’actualisation sur la valeur du tué
Figure 4. Impact du taux d’actualisation sur la valeur du tué

Le taux d’actualisation joue donc fortement sur le niveau des valeurs des effets non marchands pris en compte. De la même manière, les règles d’évolution des systèmes de prix relatifs de ces effets peuvent avoir une certaine influence sur le montant et donc sur les résultats de rentabilité.

Avant de nous intéresser à la notion de rentabilité et aux indicateurs qui s’y rattachent, penchons-nous d’abord sur les méthodes de monétarisation de ces effets non marchands.