2.2.3. Une préoccupation placée au cœur des politiques publiques actuelles

Les années 2003, 2004, 2005 et 2006 se sont terminées sur des résultats encourageants pour la sécurité routière. Même s’il est évident que les décès liés à des accidents de la route représentent un nombre encore trop élevé, il n’en reste pas moins qu’en quatre ans, le nombre de morts sur les routes françaises a baissé de près de 35 % depuis 2002. Ce score est d’autant plus exemplaire que depuis le début des années quatre-vingt-dix, l’insécurité routière semblait atteindre une quasi asymptote. Le mur des 8 000 décès par an semblait infranchissable.

Chacun sait que l’évolution qui s’est produite récemment, que bien peu pensaient possible il y a encore quelques années, est le fruit d’une priorité gouvernementale forte et de mesures emblématiques de prévention et de répression. Mais l’économiste ne peut pas ignorer qu’une préférence renforcée pour la sécurité routière s’est également affirmée dans les valeurs tutélaires adoptées dans le cadre du rapport Boiteux II (CGP, 2001) et largement diffusées dans les services de l’État depuis la fin de l’année 2001. Le « coût du mort », qui était officiellement de 0,55 million d’euros (1994), a été fortement augmenté dans le rapport Boiteux II pour atteindre 1 million d’euros (2000) pour les déplacements en voiture particulière et 1,5 millions pour les transports collectifs.

Ainsi, au moment où le calcul économique public révélait une disponibilité à payer deux fois plus forte pour réduire la mortalité routière, des mesures réglementaires de grande ampleur étaient prises, avec le succès que nous savons. Cette concomitance n’est pas fortuite. Elle révèle un véritable changement des préférences collectives (Crozet et al, 2003). En effet les valeurs de la vie humaine ne tombent pas du ciel, bien au contraire, elles ne sont que la concrétisation d’un changement des préférences collectives vis-à-vis de l’insécurité routière. Cette nouvelle donne des préférences s’appuyant sur une nouvelle méthodologie où la vision comptable du coût du mort, évalué en référence à une perte (essentiellement une perte de production) a été remplacée par une logique de coût d’opportunité.

Comme le montre le graphique ci-après, les résultats de ces dernières années constituent une véritable rupture par rapport aux évolutions passées. Depuis 30 ans, la tendance générale était à la baisse. Or les résultats des années 2003, 2004, 2005 et 2006 se situent largement en dessous de la tendance générale.

Figure 8. Tendance générale et évolution du nombre de tués des dernières années
Figure 8. Tendance générale et évolution du nombre de tués des dernières années

Les évolutions à la baisse de ces dernières années ont été parmi les plus importantes enregistrées depuis 30 ans (avec celles du début des années soixante-dix).

Figure 9. Évolution récente de l’insécurité routière
Figure 9. Évolution récente de l’insécurité routière

Source : ONISR

La baisse de 20,9 % en 2003 par rapport à l’année 2002 s’explique largement par l’annonce faite par les pouvoirs publics dès l’été 2002 de mettre l’insécurité routière « à l’agenda ». La baisse a également été prolongée par les effets médiatiques, le sujet a plus été traité par les médias en quelques mois que pendant les 5 années précédentes, et par les différentes mesures mises en place (contrôles renforcés, radars automatiques, etc.). Même si cette amélioration n’a rien de spectaculaire, par rapport aux résultats obtenus dans d’autres pays de l’union européenne, elle n’en représente pas moins une véritable rupture par rapport aux évolutions passées.

Il semble que les comportements des automobilistes ont changé. L’accent mis en particulier sur le respect des vitesses, en premier lieu, sur les voies rapides s’est répercuté sur les autres réseaux. Toutefois, les bons résultats de ces dernières années ne doivent pas faire oublier que l’insécurité routière n’est pas un problème réglé et que les coûts économiques qu’elle engendre sont encore importants.

Ainsi le réchauffement climatique et l’insécurité routière constituent deux contraintes majeures actuelles auxquelles la collectivité doit faire face. Les conséquences économiques, sociales et environnementales liées à ces effets externes du transport routier contraignent la collectivité à les considérer dans ses choix d’investissement. Comment la collectivité et le calcul économique prennent en compte ces contraintes ?