3.1.2. Les documents technico-administratifs

L’outil du calcul économique a profondément évolué avec les préoccupations de la collectivité. Dans les années soixante-dix, les effets externes pris de fait en compte dans les calculs sont essentiellement ceux relatifs au développement massif de la mobilité (gains de temps et de sécurité). Dans les années quatre-vingts, les préoccupations environnementales apparaissent petit à petit. Les méthodes d’évaluation intègrent alors certains de ces éléments (bruit, pollution atmosphérique). Les débats des années quatre-vingt-dix se focalisent plus particulièrement sur l’effet de serre et les impacts sur le climat, les premières tentatives de valorisation de la tonne de carbone apparaissent.

Puisque nous nous intéressons dans notre travail principalement au calcul économique opérationnel, c’est-à-dire tel qu’il est mis en œuvre par les administrations centralisées ou décentralisées qui élaborent les études de projets d’infrastructure de transport, regardons comment la considération de la sécurité routière et celle de l’effet de serre ont été traduites dans les documents techniques et administratifs relatifs aux méthodes d’évaluation. Nous appelons ici documents technico-administratifs l’ensemble des documents élaborés par les services de l’État dans le secteur des transports et plus particulièrement dans le secteur routier. Il y a différents type de documents.

Nous sommes remontés jusqu’à l’instruction de 1970 qui a été le premier code méthodologique officiel à paraître. Nous nous intéressons uniquement aux éléments qui composent le bilan actualisé pour la collectivité.

Nous pouvons séparer l’évolution en trois périodes :

Les éléments pris en compte dans le bilan pour la collectivité sont uniquement les avantages directs concernant les usagers de la route. Il s’agit des gains de temps, de l’amélioration du confort, de la sécurité et des économies de frais de fonctionnement des véhicules. Si le volet de l’insécurité routière est pris en compte, l’environnement (émissions de polluants) ne l’est pas. Les modifications apportées en 1974 concernent principalement l’actualisation de certaines valeurs unitaires utilisées pour le calcul des coûts de circulation.

Dans la circulaire accompagnant l’instruction, il est indiqué que : « La révélation, parfois brutale, de préoccupations nouvelles impose en effet que soient désormais considérés et valorisés les effets spécifiques de l’investissement routier sur l’environnement d’une part, sur la consommation énergétique d’autre part »

C’est dans ce cadre que l’instruction demande de prendre en compte, entres autres, deux considérations supplémentaires : le bilan énergétique de l’opération (investissement, exploitation et circulation) et un indicateur de réduction de nuisances. Ainsi le bilan énergétique global peut s’apparenter à une approximation de la quantité de polluants rejetée dans l’atmosphère (lien entre consommation de carburant et émissions de polluants), bien que les préoccupations de l’époque soient plus tournées vers les économies d’énergie dans un contexte de crises pétrolières que vers des préoccupations environnementales. Concernant l’indicateur de réduction des nuisances, celui-ci est corrélé au bruit, même s’il doit prendre en compte la pollution atmosphérique, et reste limité au cas des déviations d’agglomérations. De plus il n’est qu’un indicateur qualitatif et ne rentre pas en compte dans les calculs de rentabilité.

En 1986, la méthodologie utilisée est celle d’une approche multicritères intégrant une analyse micro-économique classique complétée par une appréciation de l’incidence du projet sur l’aménagement du territoire et les grands équilibres économiques nationaux. La sécurité continue à être prise en compte, les valeurs sont actualisées au fur et à mesure. L’environnement est pris en compte par le biais de l’analyse multicritères sous le critère : environnement et qualité de l’air.

À partir de l’instruction de 1995 nous retrouvons la démarche coûts-avantages, l’environnement est désormais pris en compte sous forme de valeurs. La priorité est accordée à l’amélioration des modalités d’estimation des effets sur l’environnement. La monétarisation du volet environnemental marque une étape importante puisque la collectivité considère à présent que ce volet n’est plus à prendre en compte uniquement qualitativement, mais aussi quantitativement. La sécurité routière continue à être prise en compte, les valeurs sont actualisées.

Cette instruction s’adresse uniquement, contrairement à l’instruction de 1995, aux projets de transport routier. Les effets sur l’environnement font l’objet d’un examen particulièrement attentif. Ces effets sont monétarisés chaque fois que possible et sont pris en compte dans un module spécifique afin d’être clairement identifiés. Les valeurs de la vie humaine sont les mêmes que dans l’instruction de 1995.

Cette nouvelle instruction, qui vient remplacer celle de 1995, révise en particulier les valeurs tutélaires retenues pour monétariser certains effets externes (vie humaine, bruit, pollution de l’air et effet de serre) conformément aux conclusions des travaux du groupe du Commissariat Général du Plan présidé par M. Marcel Boiteux. Le taux d’actualisation est abaissé pour suivre les recommandations du rapport du Commissariat Général du Plan (CGP, 2005).

En 2007, une nouvelle instruction, qui est en cours d’approbation, devrait paraître pour remplacer celle de 1998 relative aux investissements routiers en rase campagne. En tenant compte des conclusions du rapport Boiteux II, elle devrait actualiser entre autres les valeurs à utiliser dans les évaluations faites en rase campagne ainsi que les valeurs unitaires à prendre en compte dans les calculs des coûts de circulation.