3.2.1. Les groupes Boiteux I et II : de l’émergence de premières valeurs officielles au processus de production de nouvelles valeurs

En 1994, le Commissariat Général du Plan rendait public le rapport « Transports : pour un meilleur choix des investissements ». Ce rapport faisait suite à celui de 1992 « Transports 2010 » (CGP, 1992) qui recommandait une plus grande rigueur dans l’évaluation des projets ainsi qu’une harmonisation des méthodes utilisées par les différents opérateurs et administrations en charge des études économiques. Pour approfondir les recommandations de « Transports 2010 », un groupe de travail a été mis en place sous la présidence de Marcel Boiteux. L’objectif de ce rapport était de rationaliser et d’harmoniser entre les administrations les choix des investissements. Plusieurs recommandations importantes se sont dégagées de ses travaux. Les principales ont été les suivantes :

  • le calcul économique, malgré ses insuffisances et les critiques qui lui sont adressés, reste ce qu’il y a de mieux pour évaluer les projets,
  • les externalités positives et/ou négatives doivent être incorporées aux calculs dans toute la mesure que permet l’état de l’art,
  • les implications non monétarisables doivent être présentées sous la forme d’argumentaires,
  • l’évaluation doit prendre en compte les risques et les incertitudes,
  • les modèles de trafic, qui sont au cœur de l’évaluation, doivent faire l’objet d’audits par une cellule d’évaluation indépendante,
  • l’évaluation doit se faire par rapport à une situation de référence optimisée (le statu quo n’en est pas une),
  • la nécessité de renforcer la transparence des études (normalisation des dossiers techniques et politiques),
  • la préconisation de valeurs tutélaires (temps, vies épargnées, bruit, effet de serre, pollution de l’air).

Le rapport Boiteux de 1994 va fortement influencer les pratiques d’évaluation socio-économique des projets de transport. Ainsi, le ministère des transports transcrira les recommandations de ce rapport dans l’instruction de 1995 et dans celle de 1998.

Suite à ce rapport, la puissance publique a voulu approfondir les résultats. Le deuxième rapport a fait suite à la demande conjointe de deux ministères, celui de l’Environnement et celui de l’Équipement, des Transports et du Logement. Il avait pour mission de se prononcer sur les éléments à prendre en compte dans le calcul des rentabilités socio-économiques et sur l'intérêt et la façon de traiter les effets externes non quantifiables.

La demande concernait en particulier :

  • l’actualisation des valeurs proposées dans le rapport Boiteux I,
  • l’utilisation de valeurs normalisées dans les décisions d’investissement,
  • l’approfondissement en particulier des effets externes en milieu urbain.

Les enjeux de ce rapport étaient de plusieurs ordres :

  • maintenir et renforcer la crédibilité de l’analyse coûts-avantages ;
  • faire de l’évaluation socio-économique un outil de dialogue (processus de débat) ;
  • « Force est donc de se jeter à l’eau 27 », car si rien n’est dit sur certains points, soit c’est affecter une valeur nulle et ce n’est pas acceptable, soit c’est affecter une valeur gigantesque et ce n’est pas justifié. Donc il faut ‘se jeter à l’eau’, cela passe par un arbitrage, un consensus entre les acteurs présents (jeu de négociation) ;
  • négocier des valeurs tutélaires sur des bases incertaines ;
  • fonder des valeurs identiques et normalisées.

Le groupe Boiteux II s’est efforcé d’approfondir l’analyse des impacts abordés dans le rapport de 1994 (gains de temps, accidents, pollution de l’air, effets de serre), mais aussi de prendre en compte d’autres effets tels que la congestion, les atteintes aux paysages, les effets de coupure ou la consommation d’espace.

Le rapport Boiteux de 2001 va également fortement influencer les pratiques d’évaluation socio-économique des projets de transport. Ainsi, le ministère de l’Équipement transcrira les recommandations de ce rapport dans l’instruction-cadre relative aux méthodes d’évaluation économique des grands projets d’infrastructures de transport du 25 mars 2004 mise à jour le 27 mai 2005 et dans l’instruction relative aux méthodes d’évaluation économique des investissements routiers en rase campagne qui devrait paraître en 2007.

Notes
27.

Propos de Marcel Boiteux dans l’introduction du rapport.