b) La considération de la collectivité pour des valeurs tutélaires plus élevées ?

Reprenons notre scénario de référence et modifions le pour que les longueurs des itinéraires soient identiques. Les effets non marchands étant tous liés 80 , d’une manière ou d’une autre, à la longueur, il y a un peut-être un ‘effet longueur’ qui pourrait expliquer à lui seul, pourquoi lorsque nous baissons les vitesses, le bénéfice augmente.

En neutralisant l‘effet longueur’, nous pourrons focaliser l’analyse sur le seul impact des vitesses. Les valeurs du temps voyageurs devenant identiques, celles-ci, étant fonction de la distance du parcours, elles ne vont plus avoir d’influence sur les coûts de circulation. De ce fait, ce sont les vitesses qui deviennent les variables clefs dans la détermination des coûts de circulation. Elles vont jouer sur les temps de parcours et la consommation de carburant.

Regardons si nous arrivons aux mêmes conclusions en prenant des longueurs identiques pour les deux itinéraires. Nous prenons désormais une longueur de l’autoroute égale à celle de la route. Les longueurs sont de 110 km. Le niveau de trafic existant à l’année d’étude est toujours de 17 000 véhicules/jour.

Avant d’observer cet impact de la vitesse, regardons l’effet d’une égalisation des longueurs sur le bilan socio-économique pour la collectivité.

Tableau 103. Effet d’une égalisation des longueurs sur le bénéfice et sur les avantages des effets non marchands. Cas de figure : Longueur Autoroute = Longueur Route
  Variations absolues Variations relatives
Bénéfice socio-économique -1 890 328 480 € -78,0%
Gains de temps -982 324 892 € -55,9%
Gains Sécurité routière -202 801 171 € -39,8%
Coûts Effet de serre -6 775 231 € -18,4%
Gains Pollution → Coûts -636 792 € -113,7%

Source : SIMECO – Annexe (23)

Le fait de ne plus avoir de différence entre la longueur de l’autoroute et celle de la route entraîne une baisse de la rentabilité socio-économique. L’itinéraire autoroutier perd une partie de son intérêt. Le rapport des coûts de circulation entre les deux itinéraires se réduit, ce qui profite à la route. Il y a donc moins de trafic détourné de la route vers l’autoroute et il y a également moins de trafic induit par la nouvelle infrastructure.

De ce fait, le projet génère moins de gains de temps. Il génère aussi moins de gains de sécurité routière. Par ailleurs, le trafic étant globalement plus faible et privilégiant davantage la route, où les vitesses sont moins élevées, il y a par conséquent moins de coûts liés à l’effet de serre. Quant à la pollution atmosphérique les gains que nous avions dans le scénario auparavant sont devenus des coûts puisque, même s’il est plus faible, le trafic induit augmente le nombre de véhicules-kilomètres produit par l’autoroute. En comparaison avec la situation de référence, cela engendre un coût.

Tableau 104. Variation des niveaux de trafics dans le cas d’une égalisation des longueurs. Cas de figure : Longueur Autoroute = Longueur Route
Trafics Variations absolues Variations relatives
Trafic route 226 709 +302,4 %
Trafic Autoroute -323 720 -46,2 %
Dont détourné -226 709 -37,9 %
Dont Induit -97 011 -93,6 %

Source : SIMECO / Trafics cumulés en véh/j sur la durée de concession

Revenons maintenant à la politique actuelle de baisse des vitesses et observons, à partir de ce nouveau scénario de référence dans lequel les longueurs des itinéraires sont identiques, quel est l’impact d’une baisse des vitesses de 10 % sur les résultats ?

Tableau 105. Effet d’une baisse des vitesses sur le bénéfice et sur les avantages des effets non marchands. Cas de figure : Longueur Autoroute = Longueur Route
  Variations absolues Variations relatives
Bénéfice socio-économique 385 546 480 € +72,2 %
Gains de temps 217 424 996 € +28,1 %
Gains Sécurité routière 50 493 060 € +16,5 %
Coûts Effet de serre -7 173 538 € -23,9 %
Coûts Pollution 257 858 € +335,8 %

Source : SIMECO – Annexe (23)

Une baisse des vitesses a les mêmes effets sur l’évolution de la rentabilité que dans le cas où la longueur de l’autoroute est inférieure à celle de la route. Le bénéfice augmente. Les gains de temps et de sécurité routière augmentent. Les coûts liés à l’effet de serre baissent. Les coûts liés à la pollution atmosphérique augmentent. Par contre les impacts sont plus importants qu’auparavant.

C’est toujours le report plus important du trafic détourné et l’augmentation du trafic induit qui explique l’augmentation du bénéfice.

Tableau 106. Variations des niveaux de trafics entraînées par une baisse des vitesses. Cas de figure : Longueur Autoroute = Longueur Route
Trafics Variations absolues Variations relatives
Trafic route -64 263 -21,3 %
Trafic Autoroute 86 611 +22,9 %
Dont détourné 64 263 +17,3 %
Dont Induit 22 348 +335,8 %

Source : SIMECO – Annexe / Trafics cumulés en véh/j sur la durée de concession

Que révèle cette baisse des vitesses en termes de variations des valeurs tutélaires ? Quelles sont les valeurs tutélaires qui permettraient à la collectivité d’arriver aux mêmes résultats qu’une baisse des vitesses ?

Pour arriver à ces résultats, nous prenons comme base le bénéfice issu du scénario de référence et nous recherchons les montants des valeurs tutélaires qui entraînent le même impact sur le bénéfice que les variations des vitesses sur nos deux réseaux.

Tableau 107. Baisse des vitesses de 10 % et équivalents monétaires des valeurs tutélaires
Valeurs tutélaires Valeurs du scénario de référence Equivalences valeurs tutélaires
Valeurs du temps
€/véhicule/heure
Voyageurs RN : 18,73
AC : 18,73
RN : 22,76
AC : 22,76
Marchandises 38,15 39,60
Valeurs de la vie humaine
Tué € 1 000 000 1 214 731
Blessé grave € 150 000 182 210
Blessé léger € 22 000 26 724
Valeur de la tonne de carbone €/tonne 100 121,5
Valeurs de la pollution
€/100 véh.km
VP 0,10 0,12
PL 0,60 0,73
Variation du « package » des valeurs tutélaires - + 21,5 %

Source : SIMECO – Annexe (25)

Lecture du tableau : baisser les vitesses sur les deux réseaux de 10 % équivaut à augmenter de 21,5% l’ensemble des valeurs tutélaires.

Dans notre cas de figure, du point de vue du calcul économique et des méthodes et pratiques des évaluations de rentabilité socio-économique, ces résultats signifient qu’il est identique d’augmenter l’ensemble des valeurs tutélaires de 21,5% que de baisser les vitesses sur les deux réseaux concernés. Dans la pratique, cela signifierait que lors des études de rentabilité du projet d’autoroute (effectuées à l’année 2000 pour une mise en service en 2005), en prenant pour les calculs des valeurs tutélaires majorées de 21,5%, cela aurait le même impact sur le bénéfice qu’une prise en compte d’une baisse des vitesses de 10 % sur les deux itinéraires.

Pour arriver à ces résultats, nous prenons comme base le bénéfice issu du scénario de référence et nous recherchons le montant de la valeur tutélaire qui entraîne le même impact sur le bénéfice que les variations des vitesses sur nos deux réseaux.

Tableau 108. Baisse des vitesses de 10 % et équivalents monétaires pour chaque valeur tutélaire
Tableau 108. Baisse des vitesses de 10 % et équivalents monétaires pour chaque valeur tutélaire

Source : SIMECO – Annexe (25)

Lecture du tableau : baisser des vitesses sur les deux réseaux de 10 % équivaut à augmenter, par exemple, les valeurs de la vie humaine de 126 % ou à fixer la valeur de la tonne de carbone à -1 183 €.

Dans notre cas de figure 81 , du point de vue du calcul économique et des méthodes et pratiques des évaluations de rentabilité socio-économique, ces résultats signifient qu’il est identique de baisser de 10 % les vitesses sur les deux réseaux :

Dans la pratique, cela signifierait que lors des études de rentabilité du projet d’autoroute (effectuées à l’année 2000 pour une mise en service en 2005), en appliquant pour les calculs une seule des valeurs tutélaires majorée, cela aurait le même impact sur le bénéfice qu’une prise en compte d’une baisse des vitesses de 10 % sur les deux itinéraires.

Nous nous trouvons avec ces résultats devant les limites de l’exercice auquel nous nous sommes livrés. Les frontières de validité de l’outil et du calcul économique apparaissent ici. Pour arriver à un même résultat, il est possible d’augmenter les valeurs du temps ou d’avoir une valeur négative de la tonne de carbone !

En raisonnant sur les prix fictifs des effets non marchands, nous arrivons à des résultats paradoxaux. N’est-ce pas là une limite du calcul économique qu’une simple opération arithmétique – un changement de prix – puisse augmenter le bénéfice de la collectivité alors même que les volumes relatifs des avantages et des nuisances soient inchangés ou moins importants ? Quels enseignements pouvons-nous retirer de ces résultats ?

Notes
80.

Les gains ou les coûts des effets non marchands sont liés à la longueur, soit parce que leur valorisation est calculée en fonction du nombre de véhicules- kilomètres parcourus (sécurité routière et pollution atmosphérique), soit parce que la longueur entre en compte dans leurs calculs, ce qui est le cas pour les gains de temps (Temps de parcours = Longueur / Vitesse) et pour les coûts liés à l’effet de serre (coût au litre = (consommation unitaire/100 km x Longueur) / 100).

81.

Par ailleurs, des modifications dans les hypothèses de départ changent les chiffres des résultats mais les conclusions auxquelles nous arrivons restent les mêmes. Les lecteurs pourront s’en rendre compte en manipulant l’outil disponible sur le Cd-rom et en s’aidant du guide utilisateur donné en annexe.