5.2.1. La relation recherchée par les aikidoka

La définition première qui revient le plus souvent dans les résultats du questionnaire pour désigner le rapport à l’autre est une forme de politesse, de respect mutuel inconditionnel très poussé, « La courtoisie dans la relation physique et intellectuelle aux partenaires » (QR_ 54). Cette politesse s’exerce aussi bien avec les attitudes, les dispositions d’esprit qu’avec les gestes, le toucher : « Le travail avec les autres, le fait de les saisir, d’être saisi » (QR_ 55). On se sent très proches, et on l’est physiquement, sur le tatami. Cela nécessite, pour sauvegarder la part d’intimité qui revient à chacun, ce respect porté couvrant la globalité psychique et corporelle de l’individu. La relation exige aussi des qualités d’écoute, d’adaptation de bonne estimation des besoins de l’autre puisqu’il paraît souhaitable d’apporter « Une réponse adaptée à chaque partenaire et ceci en fonction de la technique pratiquée » (QR_ 56). Shite,celui qui fait la technique, n’en est pas le seul auteur, pas plus que le chef d’orchestre n’est le seul facteur responsable de l’interprétation d’une œuvre musicale. « Dans l'aikidô, le rapport à l'autre (uke) est à mon sens très différent, celui-ci étant partenaire à part entière et co-auteur de la réalisation de la technique » (QR_ 57). L’autre n’est jamais un sujet inerte que l’on manipule à sa guise en le chosifiant. Il faut aller vers lui, le recevoir en soi, sans pour autant renouer avec la situation d’intrication dont nous avons parlé au chapitre précédent : « Comment communiquer avec l’autre, les autres. Comment arriver à tenir compte de l’autre, à le laisser « s’approcher » sans se faire envahir. Comme dit si bien Sensei, « si vous n’habitez pas votre bassin, quelqu’un d’autre l’habite. ». Mais aussi comment aller vers l’autre, les autres, dans une relation autre que « maternante » » (QR_ 58). L’autre est aussi un miroir qui me renvoie des images de moi-même qui ne coïncident peut-être pas vraiment toujours avec ma propre autoreprésentation. A cet égard, la vigilance et l’écoute déjà évoquées constituent les premiers outils de construction de la relation. : « Être attentif et présent à ce qui se passe, attentif aux autres qui me renvoient des choses de moi-même qu'il m'est plus difficile de voir seul, ou que je préfère ne pas voir … » (QR_ 59). Parce que je sais où je suis, aidé en cela par le caractère séparateur de la technique, je peux accepter l’autre comme interlocuteur, entrer en lui comme il entre en moi : « Affiner cette recherche. Comment perçois-je l’autre en moi ? Comment ma gestuelle se prolonge-t-elle en l’autre ? Que peut-il recevoir ? » (QR_ 60). Nous ne nous affrontons pas, aucun de nous ne doit chercher à vaincre l’autre, à la dominer, à le soumettre. Par le fait que nous sommes tous deux différents, notre vision du monde ne peut que différer. Notre rencontre sous la forme d’un combat qui n’en est pas un, puisque ritualisé, vidé de son contenu destructeur, devient la rencontre de ces deux visions. Celles-ci sont appelées à en faire émerger une nouvelle qui n’appartiendra ni à l’un, ni à l’autre, mais que nous pourrons partager, enrichis tous les deux de son apport : « La spécificité de l’aikidô pourrait être la notion de relation gagnant/gagnant ou celle du conflit créateur » (QR_ 61). Ceci est difficile et semble très idéaliste, pour le moins théorique. C’est précisément pour cette raison que ce type de démarche nous a semblé ne pouvoir réellement s’identifier qu’après une ou plusieurs décennies de pratique assidue. Le chemin – la Voie – qui mène à lui peut passer par des étapes très différentes : « Attitude physique, agressivité, puis avec le temps apprentissage de la compassion qui n’est pas la pitié », « La compassion, mais sans s’y perdre » (QR_ 62). D’abord, se découvrir, s’accepter avec ses pulsions, apprendre à les canaliser au lieu de les refouler, s’affirmer, pour, un et distinct, se retrouver dans l’autre. Mais ceci concerne la technique d’aikidô dans son essence, que l’on soit en cours ou dans le contexte particulier du passage de grade. Nous allons maintenant cibler plus précisément la relation pendant le déroulement d’un examen et à partir du rôle de seme/uke.

En analysant le contexte de l’émergence de la technique, nous avons relevé l’importance de disposer d’attaques franches, se rapprochant le plus possible de véritables situations de combat, pour que cela fonctionne. Cette condition d’émergence va par conséquent jouer dans la relation entre les partenaires, ainsi que le fait remarquer Patrick : « J’allais dire pour montrer des techniques qui soient bonnes et valables, il faut qu’en face, il y ait une attaque qui soit valable aussi, et je pense qu’il y avait des gens qui, à mon avis, étaient plus susceptibles d’être au niveau de [fournir des]réponses » (EE_ 32, Patrick, p. 30). Seme doit être en mesure de fournir un appui à shite, nous l’avons vu, c’est son premier devoir et la première modalité de sa relation avec lui, vue de son côté, comme le reprécise Jean-Michel : « J’essayais de faire de mon mieux pour que les attaques soient correctes, pour qu’il puisse faire un travail bien » (EE_ 33, Jean-Michel, p. 47). C’est une responsabilité de taille, nous l’avons vu avec Paolo. Seme peut parfois ressentir quelques appréhensions devant celle-ci, Claude y fait allusion à plusieurs reprises : « La peur à la limite par rapport à Guillaume, c’est qu’il a un tel niveau, je dirais maintenant, au niveau des armes, que la peur même de n’être pas à niveau, je dirais pas au niveau technique, mais au niveau vitesse, pour vraiment lui donner quelque chose […] Il faut vraiment être dans le temps ! Tu n’as pas le droit à ... pour lui donner toutes les dispositions pour pouvoir travailler correctement, à son niveau à lui » (EE_ 34, Claude, p. 26). Mais la franchise de l’attaque n’implique pas une quelconque volonté de prendre l’impétrant en défaut, le désir de le piéger, bien au contraire.

Le regard que seme porte sur lui est positif, bienveillant. Cependant, le rôle d’attaquant, puisqu’il se doit d’approcher au plus près la réalité pour être efficace, exige une sincérité totale dans les actions que son détenteur est amené à produire. C’est ce qu’explique Patrick M : « De toute façon, au niveau de l’attaque, on n’est pas là non plus pour subir la technique en face, on a un rôle d’attaquant, on est bienveillant, on n’est pas là pour mettre en difficulté la personne, mais on maintient notre niveau d’attaque et notre rôle d’attaque, donc, s’il n’y a pas de surprise on ne va pas mimer la surprise parce qu’elle est annoncée » (EE_ 35, Patrick M, p. 71). Cette union entre bienveillance et réalisme pourrait définir à elle seule le cadre d’intervention de seme, l’état d’esprit fondamental dont il ne peut se départir. Et généralement, les examens que nous avons relatés ne dérogent pas à la règle, c’est, de l’avis du Maître tout particulièrement visible dans le second : « Les uke comme ils sont, exactement comme ils sont dans la vie, entiers. Pas de compromis, surtout pas avec soi-même. […] Chacun sait, attaquant comme attaqué, que même si l’attaque est très dure, il y a de la bienveillance … du côté de l’attaquant. Ça change un peu les choses. Ça permet qu’elle débloque des actions qui sont des actions qui ont un caractère éthique esthétique indiscutable » (EE_ 36, Maître, p. 81-82). Un bienfait immédiat de cette attitude loyale et sincère, bienveillante sans faiblesse, inscrite dans un cadre où éthique, esthétique et efficacité entretiennent un rapport étroit, est de pouvoir faire émerger chez shite le sentiment de confiance en son partenaire sans qui, une fois de plus, la technique ne pourrait revêtir son aspect véritable et exister en tant que tel.C’est Patrick qui souligne le fait : « Je ne me pose même pas de questions, ce sont des gens qui ont le niveau, si je fais éventuellement une bêtise au milieu ... la technique, la dernière, sur ume no taichi, quand on est uke, il faut savoir que si on baisse les bras on reçoit sur les mains et puis que ça part, quand ça ne part pas, ça ne marche pas ! Je n’ai eu absolument aucune appréhension étant donnée que ... J’ai toujours fait confiance en les uke » (EE_ 37, Patrick, p.52). Cependant, au-delà de cette attitude inconditionnelle que l’attaquant se doit d’adopter dans son interaction avec l’impétrant, la relation mutuelle peut aussi être enrichie par des facteurs plus personnels. Nous ne ferons qu’aborder cette notion, toujours ici du point de vue de seme, mais nous la rencontrerons à nouveau en tant qu’élément majeur au chapitre suivant où nous l’analyserons davantage à partir de la position de shite.

Présentement, notons que des liens affectifs existants dans le contexte du cours ou même hors tatami peuvent venir « colorier », pour reprendre l’expression de Pascal, l’attitude fondamentale de l’uke vis-à-vis de son partenaire, sans pour autant la falsifier ou la dénaturer. C’est ce que nous révèle Jean-Michel : « C’est ... un genre de fraternité d’armes, quoi. C’est-à-dire que quelqu’un avec qui on a quand même beaucoup de ... déjà beaucoup d’histoires vécues ensemble, sur les tatami, quand on sait que, en plus, c’est quelqu’un avec qui j’ai des relations un peu plus privilégiées, parce qu’on s’entend bien, on rigole bien. […] En même temps, la nécessité d’être dans une attitude martiale, et d’attaquer vraiment, de ne pas être faux, ni dans les distances ni dans les timing ni dans les façons d’attaquer, que l’attaque soit vraiment quelque chose qui donne à faire » (EE_ 38, Jean-Michel, p. 48-49). En tout état de cause, et c’est la raison pour laquelle le terme de coloration nous semble parfaitement idoine, ce ne paraît nullement se présenter comme un sentiment qui viendrait se substituer à la posture mentale de référence, incontournable, mais plutôt comme une disposition d’esprit qui viendrait la renforcer à sa manière particulière en fournissant une motivation supplémentaire. Claude en livre un exemple : « En plus, par rapport à Guillaume, j’avoue que j’avais envie d’y aller, parce que Guillaume c’est un élève de mon frère, donc… J’avais envie d’essayer de lui donner quelque chose, maintenant, après, qu’est-ce qui produit cette impulsion ? C’est une envie » (EE_ 39, Claude, p. 25). En conséquence, l’influence des relations personnelles préexistantes sur l’interaction vécue dans la technique est une certitude pour chacun, qu’il soit uke ou shite. Lors du kaishi waza commun auquel se sont livrés Patrick, Gilles, Guillaume et Jean-François, ce dernier a bien ressenti cela : « Avec Guillaume, ça passait comme dans du beurre, avec Patrick, plutôt, avec Gilles moins ; avec Gilles, j’avais le sentiment que ça passait moins, mais ça, c’est notre relation avec Gilles, je pense qu’il se manifeste là, une forme de fraternité profonde et en même temps de rivalité qui se manifeste là, dans un moment comme ça, où je ne veux pas forcément subir, où je veux contraindre ... » (EE_ 40, Jean-François, p. 63). L’affect est donc bien présent et se mêle à la consigne de travail.

Cela, ajouté à tout ce que nous venons d’écrire, pose une nouvelle question : entre implacabilité de l’attaque et désir profond de voir l’autre réussir y a-t-il place pour une aide qui ne serait pas réellement un « rattrapage » mais plutôt une correction autant experte que discrète ? Tous les uke ne conçoivent pas la chose de la même manière. C’est Paolo qui admet cette possibilité : « C’est-à-dire je vais donner quelque chose que pour lui, c’est bien. Ça, c’est la première chose. […]. Et pour la relation, individuellement, il y a une sorte d’adaptation, dans le sens : tu as un mouvement, tu vas percevoir quelque chose dans l’autre qui présente un retard, on va anticiper le travail et là, tu as une sorte d’adaptation pour faire sortir quelque chose de beau, valide » (EE_ 41, Paolo, p. 27). Pour un uke moins expérimenté comme Pierre, elle serait sans doute quelque peu présomptueuse. Son cas est différent puisque son niveau d’expertise attesté par son grade, 3ème dan, est bien inférieur à celui pour lequel se présente Catherine, l’impétrante du moment : « Ne pas la handicaper en tout cas. […] L’aider, je ne pense pas qu’elle ait besoin de nous. […] Ne pas la handicaper, donc, être le plus juste possible, et juste au niveau technique » (EE_ 42, Pierre, p. 22). Patrick M, pour sa part, ne l’écarte pas totalement mais reste très circonspect sur son utilisation en relativisant fortement celle-ci : « Ce n’est pas trop adapter quand même, on a un rôle assez défini, c’est-à-dire, il faut attaquer, il faut attaquer la personne qui est au milieu, donc il n’y a pas trop à adapter non plus. Mais ... On n’est pas en train de travailler avec un débutant. Donc, il n’y a quasiment pas d’adaptation […] C’est le rôle de l’uke. Il y a un rôle d’attaque, et à quatre attaquants, il y a très peu de modulation possible, parce que c’est un travail qui se fait principalement en maintenant la dynamique » (EE_ 43, Patrick M, p. 52). Notons que, bien que son grade, immédiatement supérieur à celui présenté, se situe en deçà de celui de Paolo, Patrick M s’est taillé une solide réputation de maîtrise des armes. La différence, si elle existe réellement autrement que dans la façon de formuler, d’exprimer le rapport, peut se concevoir au niveau du placement, encore faut-il s’accorder sur ce que l’on désigne par ce terme, comme le clarifie Pascal « Le placement ... ça dépend ce qu’on entend par placement par rapport à l’uke. Si c’est un placement dans un espace physique, non, parce que quand il y a une attaque elle sera toujours la même, par contre dans la relation que fait naître l’attaque, il est bien évident qu’elle va être coloriée de façon différente, selon les individus qui la réalisent, et selon aussi, l’état dans lequel on est, en tant qu’individu » (EE_ 44, Pascal, p. 51). La réponse de Claude à la question de l’intervention ou non dans la technique dans le but avoué d’aider son partenaire est, pour sa part, avant tout sensitive et tout en nuances : « C’est quatre personnes complètement différentes, quatre manières complètement différentes de travailler, et puis on sent en tant qu’uke qu’il faut apporter des choses complètement différentes par rapport à ces personnes-là. Il y en a certaines, il va falloir attaquer beaucoup plus vite, beaucoup plus fort, d’autres, il va falloir peut-être un peu rassurer [...] l’attaquer, mais attaquer fort, mais sentir plus rassuré en face, qu’il n’y avait aucun risque pour lui non plus, d’autres […] il fallait envoyer la poudre. Il lui fallait ça, de toutes façons il allait contrôler, il n’y a pas de problème, [… ][pour un autre] il fallait lui amener de la vitesse, parce que c’est quelqu’un qui travaille très vite, qui est très posé, et qui a aussi un contrôle qui est ... je dirais moins de puissance » (EE_ 45, Claude, p. 73). C’est d’ailleurs cet aspect sensitif qui donne toute sa dimension au travail d’uke : « Mais c’est intéressant par rapport à ça, par rapport à la concentration que ça demande à l’instant, il faut être très précis et très concentré, et il faut vraiment donner, il faut qu’on donne quelque chose, il faut apporter quelque chose, sinon, ce n’est pas intéressant de le faire, je crois. Je pense que ... C’est des très bons moments. C’est des moments dont on se souvient » (EE_ 46, Claude p. 73). Ainsi, l’éventualité où seme/uke interviendrait pour modifier légèrement le cours de la technique afin de la rendre plus appropriée pourrait par conséquent dépendre de deux facteurs principaux dont le premier serait subordonné au second : une posture personnelle admettant ou pas cette occurrence à des degrés divers et selon des modalités différentes et, condition sine qua non de la viabilité opérationnelle de cette dernière attitude, une différence de degré d’expertise existant entre les protagonistes plaçant nettement seme au-dessus de shite.

Sur un autre plan, toujours selon les témoignages recueillis, le travail d’uke l’amène à percevoir le temps de l’examen comme une rupture avec la partie « intellective » du passage de grade. Lorsqu’une question de savoir théorique est posée abruptement à l’impétrant, l’uke se retire mentalement. Nous ferons encore appel à Patrick M pour exprimer cette attitude, corroborée par d’autres témoignages : « C’est difficile quand on est uke, il y a ce travail à deux niveaux, on ne peut pas être tellement dans l’interrogation, parce que là, on va commencer à mentaliser, et on n’est plus dans l’attitude d’uke, dans la spontanéité de l’attaque. Donc, même s’il y a explication, c’est une explication à second niveau, pour ne pas perdre la concentration sur le rôle d’attaquant » (EE_ 47, Patrick M, p. 59). Il nous semble intéressant à ce propos de rappeler à nouveau le constat de non-adéquation du circuit « pensée / volition » par rapport au circuit « écoute du corps / émotion » dans l’émergence de l’action, tel que nous y avons déjà fait référence et que nous avons développé en nous appuyant sur les théories de Damasio dans notre deuxième partie traitant du rôle de l’affect dans les apprentissages. Pierre l’illustre par ailleurs encore plus directement : « Les enchaînements qu’elle a faits, oui, je les connaissais, mais, au moment où ils démarrent, on ne sait pas... On ne sait pas comment ça va être, et du coup, ah ! Quand ils arrivent, on n’arrive pas à travailler avec la tête, ça va trop vite… » (EE_ 48, Pierre, p. 17). Lorsque shite se livre à une explication et que, par conséquent la technique est effectuée au ralenti ou par séquences espacées, seme ne peut plus garder véritablement la dynamique et la spontanéité de l’attaque ; il doit néanmoins en conserver, autant que faire ce peut, le réalisme en inscrivant sa contribution dans le temps discontinu de l’action en maintenant la fermeté inhérente à sa fonction. Il lui faut donc toujours répondre aux gestes, pas au discours, s’il veut demeurer à la place qui est la sienne et qui demeure indispensable à l’élaboration de la technique de l’impétrant. Sa disponibilité doit être mobilisée en ce sens s’il désire vraiment l’assister correctement, lui apporter une aide utile. Jean-Paul relève le fait : « Oui, c’est ça, de l’aider parce que, en fait c’était de répondre correctement, le plus correctement possible, en plus il est en train de parler donc il faut être vigilant pour savoir à quel moment il faut intervenir, à quel moment c’est lui qui a la maîtrise de la parole, de l’explication et s’il faut attendre » (EE_ 49, Jean-Paul, p. 60). En d’autres termes, déjà relevés dans une citation, il faut être centré sur l’autre, cultiver, comme le dit Pascal, « vraiment la notion de disponibilité, la notion de donner, de faire, d’oubli de soi-même, plutôt que de peur, d’anticipation ou de quoi que ce soit » (Pascal, p. 29). Cela apparaît à première vue comme l’antithèse de ce qu’évoquait Paolo auparavant lorsqu’il s’auto-critiquait en estimant avoir été à un moment trop dans la relation. En réalité, il n’en est rien car lorsqu’il déplorait ce fait, c’est encore à la manière inopportune dont procède le tout puissant intellect pour court-circuiter les messages corporels transmis par le canal de l’émotion qu’il s’attaque : « Effectivement, c’est trop relationnel, la chose. Je ne suis pas arrivé à libérer d’un point de vue mental et donner quelque chose sur la sensation » (EE_ 50, Paolo, p. 62). Se montrer disponible dans son rôle d’uke, pour les aikidoka, c’est l’être avec son corps tout entier, pas en focalisant cette attitude au niveau de la pensée. Mais une autre importante facette de la relation qui s’instaure par l’entremise de la technique nous reste encore à découvrir, son aspect hérité, aspect que nous n’avions pas jusqu’à présent vraiment traité d’un point de vue théorique, hormis lorsque nous avions reconnu dans la technique d’aikidô un instrument psychologique au sens où l’entendait Vygotski.