II. La gestion de la contrainte fluviale en milieu urbain : un risque territorialisé

II.1. Les principes de la gestion du risque d’inondation

En fonction de la spécificité des territoires, notamment de leurs héritages naturels et anthropiques, les sociétés ont fait des choix de gestion qui territorialisent le risque. Sans parler de déterminisme, les caractéristiques de la contrainte fluviale ont déterminé des problématiques de gestion différentes.

Mais « malgré les spécificités que peuvent introduire les différents types de crue, les stratégies de réduction du risque reposent sur les mêmes fondements » (B. Ledoux, 2006, p. 36). On distingue généralement les mesures structurelles, selon le terme anglo-saxon emprunté à G. White (1945), qui concernent les mesures techniques visant à agir directement sur l’aléa, des mesures non-structurelles qui cherchent à réduire la vulnérabilité de la société par la planification urbaine, en particulier la réglementation de l’occupation des sols, la responsabilisation et l’implication des différents acteurs, la prévision et la gestion de crise.

Jusqu’au début des années 1980, les mesures structurelles furent largement privilégiées et favorisées par la culture technicienne des ingénieurs, dans une volonté de réduire voire supprimer l’aléa inondation. Le retour d’événements importants depuis une trentaine d’années et l’augmentation croissante du coût des dommages liés aux inondations ont montré les limites de ce type de mesures, et révélé leur effet aggravant : ils ont procuré un sentiment de sécurité absolue aux édiles et à la population, favorisant l’extension et la densification des enjeux dans des secteurs pourtant potentiellement toujours inondables, mais marqués par une forte pression foncière liée à l’expansion de l’urbanisation. L’absence de crue importante a été à tort attribuée à l’effet régulateur des barrages ; les travaux de protection ont réduit la fréquence de submersion et favorisé l’oubli du risque qui demeure pourtant en cas de défaillance des aménagements (rupture de digue par exemple) ou pour un événement supérieur à la crue de projet qui est la référence prise pour calibrer les ouvrages de protection.

Néanmoins, selon les particularités locales, les choix de gestion diffèrent et sont autant d’héritages qui distinguent les territoires. Dans son acception classique, basée sur l’hydrologie, l’aléa inondation se définit par sa fréquence, sa puissance, son intensité, son extension dynamique, sa durée et sa saisonnalité. Le terme d’inondation recouvre des réalités multiples : on distingue généralement cinq types d’inondations qui peuvent se combiner sur un même territoire. Nous les rappelons ici brièvement. Deux échelles territoriales se dégagent : les villes traversées par de petits cours d’eau, situées dans des bassins versants de taille relativement modeste et souvent marqués par une pente forte, d’où des phénomènes de crue torrentielle, et les grandes villes fluviales, plutôt concernées par le risque d’inondation de plaine.