II.2. Particularités des villes situées dans les petits bassins versants

II.2.a. L’enjeu de la prévision des crues torrentielles

La particularité de la gestion des inondations dans les villes traversées par de petits cours d’eau tient notamment à la nature du phénomène de crue. Les petits bassins versants se caractérisent par une pente forte et un temps de réponse très court, et connaissent des crues torrentielles appelées aussi crues éclair : la montée est brusque et violente, et la décrue tout aussi rapide, portant souvent la durée de l’événement à quelques heures seulement4. Les crues torrentielles sont le plus souvent dues à des précipitations méditerranéennes ou cévenoles, qui touchent particulièrement le pourtour méditerranéen mais dont l’influence se fait sentir jusqu’aux affluents torrentiels de la Saône aval (Pardé, 1925). Leur capacité érosive est élevée, d’où un charriage important et la formation fréquente d’embâcles, dont la rupture vient aggraver la violence de l’intumescence de la crue (Ledoux, 2006).

Les inondations qui en découlent menacent particulièrement la sécurité des populations du fait de leur brutalité, de la rapidité de la montée des eaux qui peut surprendre la population et de la violence des courants, y compris en lit majeur. Leur prévision est donc un enjeu essentiel de la gestion de ce type de risque. La brièveté du temps de réponse des petits bassins est telle que le suivi des débits ne permet pas d’anticiper la crue ; il faut avoir recours à des mesures pluviométriques et à des prévisions météorologiques afin de donner l’alerte (Cazenave et Chapon, 1994). La gestion du risque d’inondation dans les petits bassins est compliquée par l’absence ou la faiblesse des données hydrométriques et pluviométriques. L’hydrologie y est suivie depuis moins longtemps que celle des grands organismes fluviaux et de leurs principaux affluents (Ledoux, 2006). Il est donc difficile de caractériser la période de retour des événements et de définir une crue de référence permettant de calibrer les ouvrages de protection et d’établir un zonage réglementaire.

Le risque d’inondation torrentielle est resté méconnu jusqu’au début des années 1990, avant d’être tristement illustré par la crue des cadereaux nîmois en octobre 1988 puis par celle de l’Ouvèze en septembre 1992. Deux explications peuvent être avancées (Ledoux, 2006, p. 29) : l’absence d’événement rare de 1945 à la fin des années 1980 et l’expansion rapide de la périurbanisation. La méconnaissance de la contrainte fluviale a favorisé la méconnaissance du risque par l’urbanisation. Il en résulte une augmentation de ce dernier qui se manifeste avec acuité dans les villes, particulièrement sur le pourtour méditerranéen dans les torrents à écoulement temporaires, le plus souvent à sec, qui ont été recouverts par l’urbanisation comme par exemple à Nîmes (Desbordes, 1994 ; Guiton, 1994), Nice (De Saint-Seine, 1994 ; Veyret, 2004), Montpellier ou Marseille (Vinet, 2004). Le retour d’événements pluvieux importants depuis la fin des années 1980 a matérialisé l’aggravation du risque: les enjeux exposés sont bien plus importants tandis que les changements des pratiques agricoles, l’urbanisation et les aménagements qu’elle a suscités ont anthropisé l’aléa en favorisant le ruissellement (imperméabilisation des sols) et en perturbant les conditions naturelles d’écoulement.

Notes
4.

Les crues torrentielles peuvent aussi concerner des organismes fluviaux de taille plus importante à pente marquée, comme le Rhône ou la Garonne, mais la durée des événements est toutefois plus longue, étalée sur plusieurs jours (Pottier, 1998)