II.2.b. Les inondations par ruissellement urbain : un risque endogène

Les crues torrentielles sont souvent accrues par la survenue d’un autre type d’inondation lié à des précipitations intenses et localisées : le ruissellement pluvial urbain. Cette concomitance a pu s’observer par exemple lors des événements de Nîmes en 1988 ou de Vaison-la-Romaine en 1992. Le phénomène n’est pas propre aux villes riveraines de petits cours d’eau, loin s’en faut, mais il s’y manifeste avec beaucoup d’acuité du fait de l’importance des pentes et de la faiblesse du temps de réponse entre les précipitations et le ruissellement.

Le ruissellement urbain résulte des effets de l’urbanisation. Celle-ci engendre des îlots de chaleur urbains qui favorisent l’ascendance des masses d’air et jouent un rôle dans la formation de noyaux pluviogènes (Escourrou, 1991). D’après L. Davy (1990), il est ainsi fort probable que ce phénomène ait contribué à l’ampleur des précipitations à l’origine du déluge nîmois du 3 octobre 1988. L’imperméabilisation des sols empêche l’infiltration des eaux qui se concentrent en surface et saturent les réseaux d’écoulement superficiels et souterrains. L’insuffisance de ces derniers s’explique par deux facteurs : l’obsolescence des réseaux artificiels, qui sont désormais sous-dimensionnés compte-tenu de l’extension rapide de l’urbanisation, et la modification ou la disparition des chenaux d’écoulement naturels (rétrécissement du lit ou couverture des petits cours d’eau urbains, pérennes ou temporaires).

Les inondations par ruissellement pluvial peuvent se combiner à l’inondation d’une crue ou survenir isolément. Elles peuvent ainsi toucher des secteurs qui n’étaient pas inondables auparavant. En Espagne, les villes de Madrid et Barcelone sont désormais exposées à ce type de risque (Garcia Codron, 2004). En France, le quartier de la Gabardie à Toulouse a été inondé en juin 1992, non par la Sausse qui le borde, mais par le fossé d’assainissement de l’autoroute A68 Toulouse-Albi (Antoine et Desailly, 1998). Des quartiers des agglomérations montpelliéraine et marseillaise jusqu’ici épargnés par le ruissellement pluvial ont été touchés en 2002 (F. Vinet, 2004). En Angleterre, les quartiers situés au nord de Londres ont été inondés par débordement des canaux de drainage en 2000 et 2002 (London Assembly, Environment Comittee, 2005). En Amérique du Nord, ce phénomène s’est avéré particulièrement dommageable à Montréal en 1987: le 14 juillet, plus de 100 mm de pluie se sont déversés sur la ville en deux heures, saturant le réseau d’égouts, inondant les lignes du métro et la plupart des voies de communication. En 30 minutes, l’autoroute Décarie fut recouverte par plus de 3 m d’eau. Au total, 350 000 maisons furent privées d’électricité, 40 000 furent inondées et deux personnes trouvèrent la mort. Le montant des dommages fut estimé à 40 millions de dollars (Andrews, 1993)