Soulignons enfin la situation particulière des villes d’estuaire qui sont confrontées au risque d’inondation marine, liée à une surcote, qui peut se combiner avec l’occurrence d’une crue fluviale. C’est le cas par exemple de Bordeaux ou Londres. Dans ces villes côtières, on peut craindre que le risque d’inondation soit amplifié par la montée du niveau marin dû au réchauffement climatique et par l’augmentation annoncée de la fréquence des tempêtes marines.
L’agglomération londonienne, par exemple, possède un système de protection complexe contre les inondations fluviale et marine. Depuis le milieu du XIXe siècle, l’exhaussement et le prolongement de l’endiguement de la Tamise et de ses affluents ont accompagné l’urbanisation des zones inondables, cette dernière étant favorisée par l’importante pression foncière dans la capitale. Les travaux de Burby et al. (2002) ont montré que la politique de limitation de l’expansion urbaine par la mise en place de « ceintures vertes » a accru la pression foncière sur le lit majeur, favorisant en particulier la requalification des docks en bordure du fleuve, et le réaménagement de friches industrielles à l’est de Londres, dans la partie aval du lit de la Tamise (S. Tunstall, 2004). De 1996 à 2002, le nombre d’habitations résidentielles prévu en lit majeur a été multiplié par 6 (ibid.). La mise en place de schémas de protection des zones inondables récemment construites a favorisé l’augmentation des enjeux potentiellement exposés et une demande croissante de protection de la part de la population, comme l’illustre par exemple la construction du canal de délestage de la Jubilee River, suite à l’inondation d’un quartier récemment construit, par une simple crue quinquennale en 1990 (S. Tunstall, 2004). La construction de ce canal de 12 km de long a coûté plus de 100 millions de livres
Des inventaires récents ont montré les limites de la protection structurelle : actuellement, 98 % de Londres seraient protégés pour un événement bicentennal, mais 5 % des digues sont en mauvais état, ce qui fait craindre pour leur stabilité. Par ailleurs, la hauteur des digues est bien moins élevée sur les rives des affluents du fleuve : selon les tronçons, le niveau de la protection correspond à une crue de période de retour allant de 70 à 100 ans, sachant qu’on méconnaît l’état d’un grand nombre de ces ouvrages, dont l’entretien incombe aux propriétaires fonciers dont on ignore souvent l’identité (London Assembly, 2005). En plus de cela, l’entretien des canaux de drainage fait lui aussi défaut, d’où l’apparition d’un nouveau risque d’inondation plus fréquent, qui s’est matérialisé en 2000 et 2002 dans certains bas quartiers (London Assembly, 2005, S. Tunstall, 2004).
Par ailleurs, le phénomène des marées complexifie la problématique de la gestion des inondations fluviales : la marée haute provoque une surcote qui empêche l’évacuation des crues importantes. Or depuis 1984, la Thames Barrier permet d’empêcher le reflux de la marée dans la Tamise5. Lors de la prochaine crue forte, cette situation imposera donc un arbitrage entre la protection des quartiers amont et celle des quartiers aval de Londres : la fermeture de la Thames Barrier permettrait d’empêcher le reflux de l’onde de crue de la Tamise et offrirait une certaine capacité de stockage pour protéger les quartier amont de Londres, mais une telle disposition favoriserait à l’inverse l’inondation des quartiers aval puisque la marée, bloquée, provoquerait alors une surcote en aval et empêcherait l’évacuation du flot de crue des affluents de la Tamise (London Assembly, 2005).
Un coûteux rempart de protection contre l’inondation de marée a été mis en place suite à la tempête de janvier-février 1953, lors de laquelle les docks furent inondés du fait de la rupture par surverse des digues de la Tamise. L’ensemble, achevé en 1984 est géré par l’Agence de l’Environnement en fonction des débits de la Tamise et de ses affluents et du volume de la marée. Le dispositif est composé d’un ouvrage permettant de barrer le cours du fleuve pour éviter la progression de la marée et de 32 km de digues. La Thames Barrier offre une protection contre une surcote de 7 m, ce qui correspond actuellement à un événement de période de retour 2000 ans, mais sera ramené à 1000 ans d’ici 2030 du fait de la montée du niveau de la mer (London Assembly, 2002 et 2005).