III.1. Variation de la contrainte fluviale et interaction avec le processus de construction urbaine

Par ailleurs, les travaux de la géomorphologie dynamique et de la géoarchéologie introduisent l’idée selon laquelle l’histoire de la construction des vieilles villes fluviales n’est pas linéaire mais discontinue, rythmée par des interactions fortes entre les processus de construction urbaine et les processus de réajustement dynamique des cours d’eau. Des recherches récentes ont mis en évidence l’existence de métamorphoses fluviales qui traduisent l’ajustement des hydrosystèmes à la variation des conditions hydroclimatiques, qui elle-même modifie la part des débits solides et liquides dont le rôle est morphogène6. La contrainte fluviale n’est donc pas une donnée stable mais elle varie dans le temps et dans l’espace. Sur le temps long, il y a ainsi une variation des conditions de site qui interagit avec les processus de construction urbaine à l’échelle historique. Ce dernier associe en réalité des choix urbanistiques déterminés par des considérations socio-économiques et des réponses hydrauliques aux variations de l’aléa hydrogéomorphologique, réponses plus ou moins affirmées en fonction des niveaux techniques et des moyens financiers des différentes époques (Bravard, 2006 ; Garcia Codron, 2004).

A l’époque romaine et au début de l’époque médiévale, les vieilles cités fluviales se sont installées dans une période de relatif calme hydrologique, sur des sites rendus favorables à l’installation humaine. La péjoration hydroclimatique du Petit Age Glaciaire (XIV-XIXe siècles) a entrainé une augmentation de la contrainte fluviale qui a interagi avec l’urbanisation. A partir de la Renaissance, dans une période de croissance économique et urbaine marquée par une forte pression foncière et l’apparition de nouveaux moyens techniques, les sociétés riveraines ont progressivement cherché à s’affranchir de la contrainte fluviale pour protéger les enjeux existants et permettre l’expansion de l’urbanisation dans le corridor fluvial en gagnant de nouveaux espaces sur le fleuve. Partant, les actions humaines interagissent avec la dynamique naturelle et contribuent à faire évoluer le risque d’inondation.

Notes
6.

Pour une approche plus fouillée de cette question, nous renvoyons le lecteur au chap.1 de la deuxième partie.