III.3. Une protection inscrite entre deux champs de force

Dans un premier temps, la gestion du risque fluvial en milieu urbain se résumera plutôt à une lutte contre l’inondation des villes et consistera essentiellement en la mise en place de mesures structurelles localisées, parmi lesquelles l’endiguement et le recalibrage du lit fluvial tiennent une place prépondérante.

Au milieu du XIXe siècle, la protection des lieux habités est insérée par l’Etat dans une gestion plus globale à l’échelle du bassin versant, dont on a vu qu’elle se traduit par la restauration des terrains de montagne dans les petits bassins et la préservation de la capacité naturelle d’écrêtement des grandes plaines inondables. Néanmoins, comme l’a fait remarquer D. Cœur (2004), le concept de bassin versant comme échelle pertinente de gestion n’a longtemps pas été partagé par les acteurs locaux. Nous avançons ainsi l’hypothèse selon laquelle la gestion des inondations en milieu urbain s’inscrit entre deux champs de force : la vision des édiles, marquée par une conception traditionnelle, fermée, de la protection locale (le rempart de protection contre la crue imitant en quelque sorte celui qu’on édifie contre l’ennemi extérieur), et celle de l’Etat, qui impose une vision moderne et introduit des logiques de gestion amont/aval et rive gauche/rive droite, au nom de l’intérêt général. Cependant, ajoutons d’emblée que la mission confiée aux ingénieurs des Ponts-et-Chaussées interagit avec le développement de l’urbanisation, perçu comme une source de progrès économique et social, et la confiance dans le progrès scientifique et technique, vision cartésienne qui a longtemps poussé la société à penser qu’on pourrait supprimer le risque grâce à la maîtrise de la nature.

Les travaux de grande ampleur tels les barrages de stockage destinés à écrêter une partie de la pointe de la crue, ou la dérivation de tout ou partie du débit, sont envisagés dans de nombreux bassins, mais souvent abandonnés du fait de l’ampleur des travaux et de leur coût financier. Ce sont surtout l’endiguement, le recalibrage des lits fluviaux, les travaux d’assainissement et les remblais qui sont privilégiés (augmentation de la section mouillée, notamment en augmentant le débouché des vieux ponts).