L’annonce des crues

Parallèlement, des systèmes d’annonce de crue ont été mis en place sur les grands fleuves et leurs principaux affluents au milieu du XIXe siècle (Cœur, 2004). La nécessité de cette mesure a été rappelée par l’aiguât garonnais de 1875. Ce système d’alerte a d’ailleurs été l’élément essentiel de la gestion des inondations dans la vallée de la Garonne.

Finalement, hormis dans le Val de Loire où les levées sont antérieures au vote de la loi de 1858 (Dion, 1961), les grandes vallées fluviales sont restées non endiguées à l’exception des centres urbains qui ont bénéficié de travaux de protection importants dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Ce sont surtout les villes des bassins du Rhône (Grenoble, Lyon, Avignon, Arles, Tarascon, etc.) et de la Loire (Saint-Etienne, Tours, Angers, Laval, etc.), celles qui ont été les plus touchées par la crue de 1856, qui ont bénéficié de l’effort de protection des centres urbains réalisé dans les années suivant le sinistre. Ces travaux, subventionnés en partie par l’Etat et financés par les acteurs intéressés à la protection, à savoir essentiellement les villes elles-mêmes, sont venus consolider et compléter les aménagements déjà existants, dans une volonté de protection définitive des centres urbains.

A Paris, la plus forte crue connue (environ centennale) se produisit en 1910 et submergea une grande partie de la cité : 473 ha furent inondés dans capitale, 14 000 immeubles furent endommagés et 200 000 personnes sinistrées (Bravard, 2000). Suite à l’inondation de 1910, l’endiguement du fleuve, réalisé pour l’essentiel au XVIIIe siècle, fut rehaussé à 7,14 m (ce qui reste bien en-dessous des 8,62 m atteints en 1910). Le rehaussement des digues fut assorti de travaux de désencombrement du lit destinés à améliorer l’écoulement et à abaisser le niveau du plan d’eau en temps de crue. Enfin, comme on l’a évoqué plus haut, ces mesures localisées furent complétées par la réalisation de quatre barrages de stockage sur le bassin amont (1932-1950), dont trois dans le Morvan afin d’écrêter une partie des crues de l’Yonne. Le système suffit tout juste à protéger la ville des débordements de la Seine lors de la crue de 1955, qui atteignit 7,12 m au pont d’Austerlitz. Pour l’essentiel, la protection de Paris a reposé sur la bonne application de la loi du 28 mai 1858 et la préservation du champ d’inondation situé à l’amont de la capitale, qui stocka 1000 hm3 sur les 4000 hm3 écoulés par la crue de 1910 (Bravard, 2000). Mais le principe de l’intangibilité du lit majeur a été compromis par l’existence de la loi de 1807 sur l’assèchement des marais, qui stipule que les travaux de protection sont sous la responsabilité et à la charge financière des particuliers. Une seconde phase de construction des réservoirs amont est lancée en Champagne suite à la crue de 1955 : trois barrages sont édifiés de 1966 à 1991 sur la Seine, la Marne et l’Aube.

Notons enfin que les villes de la Garonne n’ont pas fait l’objet d’un endiguement dans le cadre de la loi de 1858, mais ont été protégées plus tard. Pendant longtemps, la gestion du risque d’inondation fut essentiellement basée sur un dispositif d’alerte élaboré suite à l’inondation de 1875, puis complété dans les années 1980 (SMEPAG, 1989).