I.1.a. Les approches comportementaliste et radicale

Le constat de la diversité des réactions et des attitudes d’une société face à la crise a fondé la théorie dite béhavioriste ou comportementaliste, développée par l’école de Chicago. Cette approche vise à déterminer la gamme des ajustements possibles au sein des groupes sociaux au regard de leur perception et de leur prévention des risques (Thouret, 1996). En 1970, R. Kates établit une classification des risques naturels en fonction de deux axes directeurs : l’un allant de l’ordre au chaos, l’autre du facteur artificiel contrôlable au facteur naturel incontrôlable. Face au risque incontrôlable, on distingue ainsi quatre grands types de comportement : la négation du risque, son acceptation passive, la volonté de prendre des mesures et la fuite. Les quatre modes principaux de réponse sociale sont théoriquement séparés par trois seuils socioculturels : la prise de conscience du risque, l’action de réduction des dommages et le seuil de refus, menant à une modification radicale (Thouret et d’Ercole, 1996; Chester, 1993).

Ces bases sont reprises par les travaux pionniers de G. White à propos des investissements anti-risque dans la vallée du Tennessee (White, 1974), puis par l’étude fondatrice de Burton, Kates et White en 1978 : le risque résulte d’une interaction entre système naturel et social. Selon les auteurs, les deux ne peuvent être assimilés à des causes ; les événements naturels sont neutres, ce sont les hommes qui transforment l’environnement en bienfaits et en risques, en utilisant les potentialités de la nature à des fins économiques, sociales et esthétiques. Il faut donc utiliser une combinaison de caractéristiques physiques et sociales pour mesurer le risque (Burton, Kates et White, 1978). Sept dimensions sont distinguées dans un phénomène physique, qui jouent profondément sur les représentations du risque et les actions potentielles : l’intensité, la fréquence, la durée, l’aire d’extension, la rapidité (speed of onset: c’est le temps écoulé entre l’apparition d’un phénomène et son intensité maximale), la dispersion spatiale et l’espacement entre deux catastrophes. Les représentations sont évaluées pendant l’événement, entre les événements et après ceux-ci. Parallèlement, les actions préventives et les mécanismes de prise d’assurance sont analysés pour comprendre l’importance des représentations par rapport au risque. Ainsi, les réactions collectives et individuelles sont envisagées comme des formes d’adaptation contrastées en fonction d’un contexte socioculturel qui favorise ou inhibe l’adaptation aux effets des catastrophes, puis leur contrôle éventuel.

Récemment, Ph. Schoeneich et M.-C. Busset-Henchoz (1998) ont montré comment l’étude des représentations, des attitudes et des comportements individuels est complétée par la théorie de la dissonance cognitive, au sens de Festinger (1957). L’analyse des stratégies collectives s’enrichit du concept de scènes locales du risque (Decrop et Charlier, 1995; Decrop et al. 1997 ; Dourlens et Vidal-Naquet, 1998) et de la notion de culture du risque (Renn, 1995) qui permet d’expliquer les différences d’attitudes par rapport à l’acceptabilité du risque, donc à des problèmes de gestion collective (Schoeneich et Busset-Henchoz, 1998).

Une autre clé de lecture est proposée par les tenants de la théorie de la marginalisation, qui critiquent la position dominante et insistent sur le lien entre niveau de développement et conséquences désastreuses d’un phénomène extrême (Hewitt, 1983). Ces recherches ouvrent sur la notion de ségrégation socio-spatiale vis-à-vis de l’inondation.