I. Avant les Romains : du Tardiglaciaire à l’Holocène

I.1. Le site de Lyon

Encadré par le Massif Central à l’ouest et par les collines de l’Est lyonnais, le corridor fluvial du Y lyonnais est formé par trois branches fluviales articulées autour de la confluence du Rhône et de la Saône. Le secteur d’étude est ainsi constitué par la plaine du Rhône amont de Jons à Lyon, celle de la Saône aval à partir de Trévoux et par le Rhône aval de la confluence à Ternay. Le choix de la délimitation de cet espace se justifie au triple point de vue de la dynamique fluviale, de l’histoire de la construction urbaine et des aménagements fluviaux. Cet espace possède une homogénéité géomorphologique : il est influencé à l’extrémité des deux branches amont par la confluence de deux affluents torrentiels qui alimentent l’hydrosystème d’une charge grossière relativement abondante, et il se caractérise par une forte pente et par une importante capacité d’ajustement aux variations des conditions hydroclimatiques, sur le temps long, ainsi qu’aux perturbations anthropiques à un pas de temps plus court. Sur le long terme tout d’abord, les travaux de la paléodynamique fluviale et de la géoarchéologie ont permis d’identifier une série de métamorphoses fluviales qui ont fait varier l’intensité de l’aléa et façonné un lit majeur complexe. La prise en compte de cette variabilité spatiotemporelle de l’aléa éclaire la compréhension des conditions dans lesquelles s’est faite l’urbanisation du corridor fluvial.

La géographie lyonnaise est marquée par la coexistence de trois grands domaines morphologiques (Mandier, 1981) (fig. 6) :

A l’Ouest, la bordure orientale du Massif Central est recouverte par le massif sédimentaire des Monts d’Or, d’altitude moyenne 300 mètres, incliné vers l’est et modelé en cuesta. Cet ensemble domine le corridor fluvial par un talus raide quasi-continu de Fourvière à Millery, qui correspond à un escarpement de ligne de faille exhumé. Le socle cristallin se retrouve en rive gauche de la Saône à hauteur du défilé de Pierre-Scize et dans le lit-même de la Saône à l’Ile-Barbe.

Fig. 6. Carte des formations quaternaires de la région lyonnaise
Fig. 6. Carte des formations quaternaires de la région lyonnaise

(source : O. Franc d’après Mandier, 1988 in Arlaud et al., 2000).

  • Dans l’Est lyonnais, un ensemble de collines correspondant au remplissage tertiaire et quaternaire du fossé d’effondrement delphino-bressan se divise en deux grands secteurs géomorphologiques (Franc et al., 2007) : au nord-est, le plateau morainique de la Dombes, à 300 mètres d’altitude moyenne, surplombe le corridor fluvial par une côtière de plus de 100 mètres de commandement ; au sud-est, les collines mollassiques de l’Est lyonnais s’élèvent à environ 200 à 250 mètres.
  • Du plateau de Caluire à Givors, le contact entre ces deux entités est formé par des terrains sédimentaires tertiaires et quaternaires recouvrant le substratum, au sein desquels se déroulent les cours du Rhône et de la Saône. Comme on l’a évoqué plus haut, cet ensemble possède une topographie complexe constituée de plusieurs niveaux hérités qui s’expliquent par l’histoire du remplissage sédimentaire, marquée par une alternance de phases d’accumulation et d’incision en lien avec les pulsations verticales et la mobilité latérale des organismes fluviaux. Le tracé actuel du réseau hydrographique s’est probablement fixé au milieu du Quaternaire (Mandier, 1984), époque à laquelle le Rhône et la Saône se sont fortement incisés, la Saône allant jusqu’à entailler le socle ancien au niveau du défilé de Pierre-Scize. Lors du maximum du Riss, le glacier alpin s’est avancé jusqu’aux plateaux de Fourvière et de la Croix-Rousse, barrant l’exutoire de la Saône qui devint un lac temporaire tandis que les écoulements fluvio-glaciaires reprenaient par la vallée morte du plateau lyonnais. Des dépôts de moraines se sont produits au Mindel et au Riss. Au Würm, un important matériel fluvioglaciaire a été accumulé. Au Tardiglaciaire et à l’Holocène, les vallées du Rhône et de la Saône ont ensuite été réentaillées jusqu’à 170-160 m dans les formations quaternaires, soit un enfoncement de plus de 10 mètres par rapport à la terrasse fluvio-glaciaire du Würm récent.