A la fin de la Tène, l’enfoncement et la contraction des cours d’eau a rendu la plaine alluviale et les bas de pente favorables à l’occupation. L’ancien espace de tressage est devenu une très basse terrasse fluviale, relativement abritée des crues, qui sera rapidement mise à profit par la conquête gallo-romaine. Motivée par une importante poussée démographique et permise par le retrait du Rhône sur sa rive gauche, la conquête des basses terres débute sous le règne d’Auguste, vers 10 BC (Franc et al., 2007), à partir des pentes des collines de Fourvière et de la Croix-Rousse. On s’installe sur les berges des deux cours de la Saône (il existe vraisemblablement une activité portuaire à la confluence des deux Saône jusqu’à la fermeture du chenal primitif mi IIIe s) et de façon rudimentaire en Presqu’Ile, dans les paléochenaux du Rhône41, tandis que les sites à l’abri des crues (exhaussés jusqu’à 164,3 m) correspondent à des niveaux de circulation et à deux bâtiments sur le site du Grand-Bazar.
A partir de là, les sociétés ont ensuite adapté leur mode d’occupation aux variations de l’aléa : vides sanitaires, drains avec amphores dans l’Antiquité, remblaiement de plusieurs mètres quelquefois.
Au Ier siècle, l’évolution vers la stabilité est perturbée par une crise hydrologique (Bravard et al., 1997), et par le retour de flux tractifs du Rhône, avant le retour d’une longue période favorable jusqu’au Moyen-Age. A plusieurs reprises, les crues envahissent les quartiers bas de la Presqu’Ile. La reprise de l’activité hydrologique et le durcissement de la contrainte fluviale qui en découle vont limiter le développement de la Presqu’Ile, et l’urbanisation se concentre surtout sur les bords de la Saône. Sous Auguste, Tibère et Claude, on observe le remblaiement progressif du chenal primitif de la Saône par le double effet de la dynamique fluviale (fortes crues au cours IIe siècle AD) et des rejets anthropiques qui accélèrent la fermeture définitive du paléochenal au milieu IIe siècle AD et rattachent l’île Saint-Jean au pied de Fourvière. Une fois la plaine stabilisée, l’occupation de la rive droite de la Saône sera continue jusqu’à nos jours, ponctuée de séquences de remblaiement, si bien que les rez-de-chaussée vont être progressivement enterrés.
En Presqu’Ile, une première adaptation de l’urbanisation semble se dessiner sous le règne de Claude : un remblaiement caillouteux de 50 cm est attesté, sur lequel on construit de grands entrepôts. Plusieurs traces d’une adaptation de l’occupation humaine à la contrainte fluviale ont été identifiées: des travaux d’assainissement, d’exhaussement, de protection vont peu à peu stabiliser la plaine, qui semble à l’abri des crues à partir du IIe siècle AD. Toutefois, dans la partie nord-est de la Presqu’Ile, l’urbanisation n’a été acquise que bien plus tard, autour du XIVe siècle, empêchée jusque-là par la trop grande proximité du Rhône et la présence de chenaux de crues régulièrement actifs (Arlaud et al., 1994).
La situation de la rive gauche du Rhône reste quant à elle très mal connue. Les premières occupations sont attestées au Campaniforme et au Bronze final, sous la forme d’un déboisement et d’une mise en culture (Argant, 1991). Un reboisement est possible à l’Age du Fer, puisque le territoire semble avoir été quasiment vierge au début de l’Antiquité. Le début de la colonisation gallo-romaine est attesté au Ier siècle AD. A l’époque, alors que l’hydrologie était relativement active en Presqu’Ile, la rive gauche du Rhône ne connaissait pas de crues dévastatrices mais des inondations lentes du type de celles de la Saône actuelle. Néanmoins, l’élargissement du Rhône, au Ier Age du Fer en particulier, a pu rendre le fleuve relativement infranchissable, ce qui pourrait expliquer que la conquête lyonnaise n’ait pas gagné la rive gauche du fleuve (Bravard, 2007)
Les fouilles attestent la présence de fosses, de foyers et de cabanes, probablement liée à une activité de pêche dans des bras en eau calme.