A Lyon, l’augmentation de la charge solide et du niveau des crues se traduit également par une tendance à l’élargissement de la bande active dès le XIIIe siècle. L’aggravation de la contrainte fluviale qui découle de cette métamorphose provoque une première réponse des édiles : le pont médiéval de la Guillotière est ainsi élargi (Burnouf et al., 1991). On assiste très probablement à un exhaussement des fonds du Rhône et de la Saône provoqué par l’apport massif de sédiments en provenance de l’Azergues et de l’Ain, comme semble le confirmer le concours de l’Académie de Lyon lancé en 1804 sur les moyens de lutter contre les atterrissements du Rhône43. « La rive gauche du Rhône, la plus basse et non exhaussée, car la plus récente, était la plus exposée et fut la plus touchée » (Bravard, 2007). L’instabilité du lit majeur moderne et la fréquence des inondations empêchaient toute tentative de mise en valeur durable des terres. Pendant longtemps la bande fluviale active fut ainsi marquée par une exploitation agricole extensive, sous la forme de communaux, adaptée à la submersion : on allait y faire paître les bêtes (d’où le nom de « brotteaux »), couper les taillis pour le bois de chauffage et pêcher.
Mais, malgré une nette expansion de la bande active, la mobilité du fleuve est moindre car des travaux de régularisation et de stabilisation, demandés par les riverains et motivés par les intérêts urbains, sont mis en œuvre dès le milieu du XVIIIe siècle, comme nous allons le voir plus en détail par la suite. Cependant, les témoignages d’inondations catastrophiques dans la ville existent bien : 1570, 1602, 1711, 1840 et surtout 1856, qui a conduit à la protection définitive de la ville.
A la fin de l’Ancien Régime, la Presqu’Ile est surpeuplée, et la ville connaît une importante crise foncière qui exige la conquête de nouveaux espaces. On entreprend alors de gagner des terrains sur l’espace alluvial. Or d’importantes inondations se succèdent à la même époque ; elles sont particulièrement dévastatrices en 1754, 1769, 1812, 1825, 1840 et 1856. En découle une interaction forte entre la croissance urbaine et l’ajustement fluvial à l’augmentation des flux liquides et solides : on cherchera à fixer le cours du Rhône puis à préserver l’espace urbain des débordements des fleuves : « c’est dans cette époque de croissance urbaine et de péjoration hydroclimatique que se joue l’avenir du paysage de la ville » (Bravard, 2007).
AML, 342 WP 001. Cf. Partie chap.2 IV.4