Conclusion

De ce qui précède, il ressort qu’une des particularités de Lyon réside dans l’importance des interactions homme-milieu (plus de 2000 ans d’histoire des relations ville/fleuve) : la colonisation humaine a dû adopter différents comportements face aux fluctuations hydrogéomorphologiques pour maîtriser un espace inhospitalier et contraignant : dans un premier temps, avant l’industrialisation et les moyens techniques qui l’accompagnent, on utilise la topographie naturelle, les installations en lit majeur se limitent aux basses terrasses qu’on remblaie progressivement et à plusieurs reprises pour assainir ou protéger les constructions (on accélère le comblement naturel des chenaux de crue). De l’époque romaine jusqu’au XVIe siècle, la ville va se développer le long de la Saône, sur les deux rives, à Saint-Jean et sur la Presqu’Ile (Bonneville, 1997), tandis que la rive gauche du Rhône reste difficilement franchissable, soumise à des crues violentes, et est donc inoccupée, à l’exception du village rural de La Guillotière.

A la fin du Moyen-Age, alors que Lyon s’est développée sur les bords de Saône, en Presqu’Ile, et convoite de nouveaux espaces à gagner sur le fleuve, la péjoration hydroclimatique du Petit Age Glaciaire entraîne une aggravation de l’aléa et récrée, probablement avec plus d’acuité, les conditions défavorables qui prévalaient avant notre ère. En découlera une succession d’adaptations hydrauliques aboutissant à la volonté d’une protection définitive de la ville contre les crues.

Au-delà des contraintes liées à l’instabilité du milieu fluvial et aux crues, la proximité du cours d’eau offre un potentiel de ressources et des axes de circulation privilégiés. On a souvent parlé de la situation et du rôle de carrefour de la ville. En ce sens, la tête de pont jetée sur la rive gauche du Rhône, à La Guillotière, sera détruite à plusieurs reprises par le Rhône, mais inlassablement reconstruite (Burnouf et al, 1991) car indispensable au fonctionnement d’une voie de passage importante, plus tard à la frontière entre Rhône et Dauphiné. Le développement commercial et industriel remarquable que va connaître Lyon en raison du renforcement de sa position dans les échanges va s’accompagner d’une forte croissance démographique, qui posera vite le problème de la saturation de l’espace de la Presqu’Ile. La nécessité d’apporter une réponse à la question de l’extension de la ville poussera les édiles à chercher à coloniser l’espace des fleuves, ce qui, coïncidant avec le retour d’une période de crise hydroclimatique, se traduira par des interactions fortes entre la ville et ses fleuves, dont résulte une évolution importante du risque d’inondation.