I. Remblaiement et lotissement des Terreaux et de Bellecour (1550-1610)

A partir du milieu du XVe siècle, la cité lyonnaise va connaître un grand essor démographique et commercial. Le royaume n’est plus en guerre, les échanges avec l’Italie se développent. L’ordonnance royale du 8 mars 1462, qui accorde à Lyon le privilège de quatre foires franches annuelles, favorise l’irruption du grand commerce, illustrée par l’installation des banquiers italiens (la banque des Médicis se déplace de Genève à Lyon en 1466). Lyon affirme ainsi sa place dans les échanges et voit le développement de son artisanat, attirant une population de plus en plus nombreuse. Dès le XVe siècle, elle est devenue une ville importante, la deuxième de France : de 1460 à 1520, la population triple pour atteindre 60 000 à 70 000 habitants sous le règne de François Ier (Latreille, 1975). En 1536, le roi accorde à la ville la liberté du travail de la soie et de l’imprimerie. La nécessité de loger les nouveaux arrivants et d’entreposer les marchandises est alors à l’origine d’une véritable fièvre de construction, qui efface le caractère rural de la Presqu’Ile. Mais si la ville se transforme et s’embellit, elle ne s’étend pas avant le milieu du XVIe siècle. Jusqu’à cette date, Lyon ne dépasse pas les enclos des Célestins et des Jacobins, et, du fait de la proximité du Rhône, le nord-est de la Presqu’Ile reste inoccupé.

Au milieu du XVIe siècle, l’urbanisation conquiert par des remblais les basses terres marécageuses du nord-est et du sud de la Presqu’Ile.

La désaffection de l’enceinte des Terreaux s’accompagne du comblement des fossés de La Lanterne (1546-55) pour la construction de l’Hôtel de ville actuel (Lévy-Schneider, 1925 ; Arlaud et al., 2000 ; Petitet et Scherrer, non daté). L’occupation de la partie nord-est de la Presqu’Ile peut alors se faire relativement à l’abri des inondations, dans un secteur où la proximité du Rhône avait jusque-là empêché le développement de l’urbanisation, et le quartier des Terreaux se développe le long des vieux-fossés.

Au sud de la Presqu’Ile, la conquête des terres marécageuses de Bellecour est amorcée lors de l’occupation de la ville sous la Réforme, en 1562 et 1563. Afin de défendre la ville, les troupes du Baron des Adrets empiètent sur le domaine foncier des religieux pour créer une place d’armes à l’emplacement de la future place Bellecour (fig. 13), reliée au pont du Rhône par une voie tracée à l’emplacement de la rue de la Barre actuelle. Ces grands travaux publics signent les prémices d’un nouveau quartier et amorcent l’extension de la ville vers le sud. Dès 1560, la veuve Claudine Laurencin crée un lotissement le long de la rue du Plat. Mais ce secteur non remblayé reste facilement inondable : le Rhône et la Saône se rejoignent sur la place lors d’une crue en 1570. L’endroit sera exhaussé par Henri IV au début du XVIIe siècle : le roi ayant acheté les terrains de Bellecour pour en faire une place royale consacrée aux usages publics, l’ensemble est nivelé et remblayé avec des gravats et des décombres dès 1609, puis planté de tilleuls. Les terrains voisins sont vendus et bâtis.

On est en droit d’imaginer que les remparts construits le long de la rive droite du Rhône de 1513 à 1563 (fig. 14) apportent probablement une certaine protection contre les débordements du fleuve. Du moins, cette fonction est attestée concernant les remparts d’Ainay, en avant du confluent (Kleinclausz, 1925). Suite à une crue importante en 1654, probablement à l’origine de la séparation de l’île du Conflant des jardins d’Ainay, le Consulat affecte 45 000 livres aux réparations de l’ouvrage endommagé (ibid.).

Fig. 13. Le terrain de Bellecour avant d’être aménagé en place au milieu du XVIe s.
Fig. 13. Le terrain de Bellecour avant d’être aménagé en place au milieu du XVIe s.

Détail du Grand Plan Scénographique de Lyon (AML1S165)

Fig. 14. Les remparts d’Ainay en 1659
Fig. 14. Les remparts d’Ainay en 1659

Extrait du plan cavalier dressé par S. Maupin « Description au naturel de la ville de Lyon et païsages alentour d’icelle » (1659) (BM Lyon, Rés 28122/14)