IV. Lyon franchit le Rhône ; premiers essais de stabilisation du lit

IV.1. La crainte d’une défluviation du Rhône vers l’est au milieu du XVIIIe siècle 

Au milieu du XVIIIe siècle, le paysage de la rive gauche du Rhône contraste fortement avec celui de la rive droite : alors que la Presqu’Ile est surpeuplée et protégée par une ligne de quais nouvellement construits, la rive gauche présente encore un paysage de lônes et de brotteaux, toute tentative d’occupation durable du territoire étant freinée par l’instabilité du fleuve et les fréquentes inondations. Hormis le bourg de la Guillotière au débouché du pont du Rhône (l’unique point de franchissement de la rive jusqu’à Avignon) et un groupement d’une vingtaine de maisons au Pré des Cabanes de la Part-Dieu, seules quelques fermes dispersées, implantées le plus souvent sur les mollards non inondables, occupent de vastes domaines agricoles formés de brotteaux, de prairies et de terres graveleuses, dont l’exploitation extensive est adaptée à la contrainte fluviale. Suite à plusieurs legs importants, la quasi-totalité de la plaine au nord de la Guillotière appartient à l’Hôtel-Dieu, qui possède le monopole des bacs installés sur le Rhône. Hormis quelques épis rocheux au niveau des bacs, la rive gauche n’est absolument pas protégée et reste entièrement soumise aux inondations et aux divagations du fleuve.

Du fait de l’expansion de la bande active, le fleuve a tendance à ouvrir de nouveaux bras à travers la rive gauche, au détriment de sa rive droite dont il semble vouloir s’écarter. Bien plus que la contrainte d’inondation, c’est le risque d’une défluviation du Rhône qui préoccupe les édiles lyonnais. Les Hospices craignent en effet de voir leurs terres emportées tandis que le Consulat redoute de voir le Rhône abandonner sa rive droite et de faire perdre à la ville le bénéfice de l’important trafic fluvial qui s’y tient (activité portuaire et nombreux bateaux et usines flottantes en rive droite), ainsi que l’avantage du pont de la Guillotière. Enfin, il importe que le fleuve continue à baigner sa rive droite pour assurer l’évacuation des effluents urbains déversés dans le fleuve (en particulier au droit de la boucherie de l’Hôpital).