IV.3.b. Le plan Morand : pont sur le Rhône, digue des Brotteaux et création d’un nouveau quartier

Forts de ce succès, les Hospices souhaitent continuer à valoriser leurs terrains en répondant à la crise foncière que connaît Lyon par la création de nouveaux espaces urbanisables. On l’a vu, la question de l’extension de la ville s’impose dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle : tandis qu’on envisage de conquérir les terres de l’île Moignat jusqu’à la Mulatière, certains n’écartent pas l’idée d’étendre la ville vers l’est, au-delà du Rhône, et de relier les deux rives du fleuve par un nouveau pont, malgré l’investissement technique et financier nécessaire pour s’affranchir de la contrainte fluviale.

Un premier projet élaboré en 1763 par Lallié, Ingénieur en Chef des Ponts-et-Chaussées au département de Lyon, sera jugé trop ambitieux par l’Hôtel-Dieu qui se tourne alors vers Morand, architecte lyonnais qui a participé à la création du quartier Saint-Clair (Kleinclausz ; Barre et Feuga, 1998). En 1764, Morand propose alors un véritable plan d’urbanisme (fig. 24) qui prévoit notamment l’extension de Lyon sur la rive gauche du Rhône, à l’arrière d’un quai insubmersible, reliée à la Presqu’Ile par un pont à construire dans l’axe de la rue du Puits-Gaillot, et limitée à l’est par un canal en arc de cercle permettant de dériver une partie des eaux de crue53.

Dans la foulée, Morand achète en 1765 les terrains du pré Deschamps sur lesquels il trace un premier lotissement. Cet investissement lui attirera les foudres des recteurs du Grand Hôpital qui n’apprécient pas de voir la valorisation de leur patrimoine foncier concurrencée de la sorte. Ils s’opposeront à la réussite de Morand jusqu’à ce qu’un accord soit trouvé entre les deux parties quinze ans plus tard. S’il est combattu par les édiles locaux, le projet est par contre soutenu par le pouvoir royal, qui autorise la construction du pont en 1772.

Le pont Morand est achevé à la fin de l’année 1775. A l’aval, la rive est protégée par la digue basse des Brotteaux, construite de 1772 à 1774. En 1771, une crue du Rhône endommage l’ouvrage en construction, qui doit être réparé à la hâte sous peine de voir une partie des terres riveraines emportées.

Enfin, les bases du quartier actuel des Brotteaux sont établies en 1780 par la signature d’un accord prévoyant le lotissement du Pré Morand et d’un dixième du domaine des Hospices, entre le pré Deschamps déjà loti par Morand et le Rhône (Barre et Feuga, 1998) (fig. 25). Au nord, la lône du Consulat est comblée grâce au prolongement de la digue basse de Brotteaux à l’amont du pont Morand, les voies existantes sont prolongées et doublées selon un plan en damier. Une grande place est esquissée au débouché du pont, autour de laquelle les premières constructions commencent à s’élever. Mais si les Brotteaux sont devenus un espace de promenade prisé par les lyonnais, rares sont ceux qui viennent s’y installer car, bien que la rive soit désormais stabilisée par les nouvelles digues, la plaine reste inondable, comme le rappellent par exemple les crues de 1783 et 1787.

Fig. 24. Le plan Morand (1764).
Fig. 24. Le plan Morand (1764).

(source : AM Lyon)

Fig. 25. Plan Morand (1780).
Fig. 25. Plan Morand (1780).

(source : AM Lyon)

Notes
53.

A.M.L., 3 S 115, Projet d’un plan général de la ville de Lyon et de son agrandissement en forme circulaire dans les terrains des Brotteaux, J.-A. Morand, 1768.