Chapitre 3. La défense de Lyon contre les inondations

I. Les premières réalisations en rive gauche (1825-40)

I.1. L’amorce d’une réflexion sur les moyens de défendre la rive gauche : le concours de l’Académie de Lyon de 1825

D’abord commencée assez modestement après la création du pont et du quartier Morand, surtout si on se rappelle l’importance de la crise foncière lyonnaise et la cherté des loyers pratiqués dans la ville, la croissance démographique de la commune de la Guillotière s’amplifiera sous la Restauration. Jusque-là, l’importance de la contrainte fluviale sur la rive gauche du Rhône avait dissuadé beaucoup de lyonnais. Ce lent démarrage s’explique aussi très probablement par le fait que la vente des biens nationaux à la fin du XVIIIe siècle avait permis de libérer un grand nombre de terrains de la Presqu’Ile monopolisés jusque-là par les couvents.

Alors que la population de la commune de la Guillotière avait déjà augmenté de 17% sous l’Empire, passant de 5 972 à 7 000 habitants entre les recensements de 1805 et 1815, elle aura quasiment triplé au cours de la Restauration, pour atteindre 20 000 habitants en 1830. Les enjeux à préserver en rive gauche commencent alors à devenir suffisants pour attirer la bienveillance de l’Etat et susciter l’intérêt de la Ville de Lyon. La forte crue de 1812 puis celles de 1816 et 1817 avaient aussi probablement sensibilisé les édiles au sort des habitants de la rive gauche. C’est en tout cas suite à cette dernière crue que les Ponts-et-Chaussées envisagent d’endiguer la rive gauche pour résoudre enfin le problème des atterrissements et le risque de défluviation du fleuve. En plus de cela, la ville de Lyon convoite de plus en plus le projet d’annexion de ses faubourgs, qui font d’ailleurs déjà partie de l’aire d’attraction urbaine, et a tout intérêt à « séduire » la rive gauche en lui apportant son soutien, ainsi qu’à se sentir concernée par les préoccupations des quartiers intéressés.

En 1825, l’Académie de Lyon lance donc un concours sur le thème de la protection de la rive gauche contre les crues. Les propositions faites sont de deux natures, qui ont toutes deux leurs partisans, et reprennent en fait les principes élaborés par Morand : un endiguement général et insubmersible et l’édification d’une ligne de quais le long de la rive du Rhône, permettant par ailleurs de fixer le cours du fleuve en en favorisant l’incision, ou la dérivation d’une partie du débit dans un canal de ceinture édifié à travers la rive gauche et endigué. Cette deuxième option offre elle aussi l’avantage d’abaisser le niveau des eaux dans la traversée de la ville, mais présente le risque de ravager la plaine en cas de submersion ou, pire encore, de rupture. En plus de cela, l’entreprise pose le problème de l’aggravation des étiages, et l’on craint également de voir se développer les atterrissements si le volume des eaux n’est plus assez suffisant pour évacuer la charge sédimentaire du fleuve.

On ne tranche pas quant à la solution la meilleure, mais la réflexion est lancée, et sera suivie de peu par sa réalisation.

Fig. 26. Les étapes de l’endiguement de la rive gauche du Rhône avant 1840.
Fig. 26. Les étapes de l’endiguement de la rive gauche du Rhône avant 1840.