II. La catastrophe de 1840 et ses conséquences ; priorité à l’urbanisme

Afin de mieux comprendre les caractéristiques spatiales de l’aléa au milieu du XIXe, et de pouvoir analyser l’évolution du champ d’inondation en relation avec les aménagements entrepris au cours de la période d’étude, nous avons réuni et cartographié les informations disponibles concernant les événements de 1840 et 1856 dans le « Y lyonnais ». Les excellents atlas du cours de la Saône et du Rhône levés et gravés au 1/10 000e par les Ponts-et-Chaussées de 1857 à 1866 sont bien connus et figurent la limite de l’inondation de 1840 dans la vallée de la Saône, et celle de 1856 dans le bassin du Rhône. Mais pour une raison qui nous est inconnue, la feuille de Lyon ne figure aucune des deux limites. Pour cette raison, la connaissance du périmètre de ces deux inondations dans la ville restait encore relativement imprécise. Nous avons pu reconstituer le périmètre des inondations de 1840 et 1856 dans Lyon à partir du recoupement de différents documents d’archives. Il convient ici de préciser la méthode employée.

Un premier travail de détail a été mené par l’historien L. Freynet (2002), qui a dressé une cartographie très précise des débordements du Rhône et de la Saône en 1840 dans la Presqu’Ile et ses abords immédiats. Plusieurs documents existent par ailleurs mais ils figurent des limites apparemment contradictoires les unes des autres. Le Plan des inondations du Rhône et de la Saône dans Lyon et ses faubourgs au 1/80 000e conservé dans le fonds Coste de la bibliothèque municipale de Lyon70 publié par Kaufmann (1840) et par Baron (1841) représente la totalité de la plaine de Vaise sous les eaux, tandis qu’une autre carte, consultable aux archives municipales de Lyon71, fait s’arrêter la limite sud de l’inondation dans Vaise à l’actuelle rue Marieton, c’est-à-dire bien en retrait de celle de Kaufmann. Ce dernier document est en fait un exemplaire de la Carte topographique de Lyon et ses environs au 1/40 000e dressée par Dignoscyo et fils et gravée par Rembielinski, sur laquelle a été rajoutée en surcharge une teinte bleutée, à la main, qui correspond selon la légende manuscrite apposée au bas du document à l’inondation de 1840 pour la Saône, et à celle de 1856 pour le Rhône. L’auteur et la date de réalisation en sont inconnus. Concernant l’inondation du Rhône, le périmètre inondé coïncide avec les deux autres sources que nous avons trouvées : le Plan des zones inondables de Lyon (PZI), document règlementaire au 1/25 000e dressé conformément à la loi de 1858 et approuvé en 1911, consultable au Service Navigation Rhône-Saône, et un Plan général de l’inondation des 21 et 31 mai 1856 au 1/2 000e signé de l’ingénieur en chef de la ville G. Bonnet, appartenant au fonds du service municipal de la voirie des Archives Municipales72. En très mauvais état, ce document n’est d’ordinaire consultable que dans sa version microfilmée et n’est alors pas exploitable car les limites sont illisibles. Nous avons cependant eu la chance de pouvoir consulter le document original, qui s’est avéré extrêmement précieux car il permet de trancher à peu près certainement la question. En plus de confirmer la limite des secteurs recouverts par les eaux du Rhône en 1856, et de fournir la limite de l’inondation de la Saône à la même date, qu’on ne trouve nulle part ailleurs à notre connaissance, ce plan figure par un liseré la limite de l’inondation de 1840. C’est du moins ce qu’indique la légende, car à première vue, seul le périmètre de 1856 est représenté : en une teinte bleue pour le débordement du Rhône, et bistre pour celui de la Saône. En observant minutieusement le document, on repère malgré tout la trace du liseré, qui a presque été effacé par le temps, mais correspond à la limite esquissée dans ses grandes lignes par le plan de Kaufmann.

Le périmètre représenté sur la carte au 1/40 000e coïncide par contre parfaitement avec celui de la crue de la Saône non pas de 1840, mais de 1856, figurée sur le plan au 1/2 000e. Il semblerait qu’une erreur ait été faite dans la légende de ce document, du moins tous les indices paraissent converger en ce sens. Un dernier argument de poids tend à nous faire trancher la question : la mention dans le même dossier d’archive d’une cote d’inondation située au carrefour de la rue de l’Oiselière et de l’ancienne route du Bourbonnais, en plein cœur du secteur litigieux, et indiquant 3, 85 m d’eau en 1840. Par ailleurs, il semble tout à fait cohérent que le périmètre inondé en 1840 excède celui couvert par les eaux en 1856, puisqu’on observe partout dans Vaise une différence de 2,6 m environ entre les deux crues.

Ces informations ont été complétées par les hauteurs d’eau observées en de nombreux points lors des inondations de 1812, 1840 et 1856 qui ont été recueillies par enquête à la demande de l’ingénieur en chef de la voirie de Lyon73 et que nous avons cartographiées.

Notes
70.

BML 116 108

71.

AML 2S69/a

72.

AML 925 WP 287

73.

AML 925 WP 287