I.2. Une gestion de crise improvisée

Après la rupture des digues des Brotteaux et de la Vitriolerie, les habitants cherchent à fuir la rive gauche. Prise au dépourvue et dépassée par l’ampleur de la catastrophe, l’administration n’est pas en mesure d’organiser l’évacuation de la population. Rien n’est prévu pour le sauvetage des habitants prisonniers des eaux, qui seront heureusement secourus par leurs concitoyens : « l’organisation laisse place à l’improvisation et à l’entraide » (Freynet, 2002). Ce n’est qu’au deuxième jour de l’inondation que les autorités municipales reprennent les choses en main. Toutes les routes étant coupées et la circulation en barque étant rendue périlleuse par les courants, la commune de La Guillotière fait appel à des équipes de mariniers et de crocheteurs pour assurer les tâches les plus urgentes. Ils travaillent sans relâche pour la ville jusqu’au 24 novembre. Par ailleurs, le maire de Lyon offre son aide au faubourg et contribue aux secours d’urgence aux indigents : 1000 kg de pain sont envoyés, des salles de l’Hôtel-Dieu sont mises à disposition pour loger les réfugiés des Brotteaux n’ayant d’autre solution d’hébergement. Ils seront 170 à y passer la nuit du 1er au 2 novembre (ibid.).

Au moins 40 000 personnes ont dû évacuer leur domicile, dont 12 000 à Vaise, 3 000 à Serin, 25 000 à Lyon. Une part importante des inondés se retrouve dans la plus grande précarité, et est prise en charge par les fonds de secours mis en place durant l’inondation : presque la moitié des habitants de Vaise et de Serin (2 840 et 545 nécessiteux, soit dans les deux cas 43 % de la population des faubourgs), une proportion moindre à La Guillotière (11 %) et à Lyon (3 %), mais qui représente tout de même 2 640 et 4 000 personnes. En tout, 10 025 habitants de Lyon et ses faubourgs, soit 8 543 familles indigentes, ont bénéficié d’un secours alimentaire d’urgence, voire d’un relogement (Freynet, 2002). Le montant des aides alimentaires distribuées approche les 150 000 francs.

Etant donné qu’un grand nombre de maisons ont du être évacuées par leurs occupants, les autorités prennent également des mesures sécuritaires par crainte des pillages, d’autant plus que l’inondation des canalisations de gaz a interrompu l’éclairage public (il sera rétabli le 10 novembre dans le quartier d’Ainay, quelques jours plus tard dans le reste de la ville). Pour éviter le désordre, les postes de garde sont multipliés dans l’ensemble de l’agglomération.

La catastrophe passée, on s’emploie à effacer les traces du passage de la crue : le nettoyage des routes royales est assuré par le service des Ponts-et-Chaussées, celui des rues est pris en charge par les municipalités. Le déblaiement des propriétés privées est quant à lui encadré par les fonds de secours. En matière de risque sanitaire, les autorités sont soucieuses d’éviter les « suites fâcheuses » constatées lors des précédentes inondations, en particulier le développement d’épidémies de dysenterie et de choléra dues à la pollution des eaux et favorisées par la promiscuité des réfugiés. Les édiles invitent la population à ne pas utiliser l’eau des puits et à s’approvisionner directement aux fleuves, tandis que l’administration municipale organise la livraison d’eau potable à domicile. On préconise d’aérer et de chauffer les habitations pour assécher les murs, de pomper les eaux des caves et des fosses d’aisance qui ont été inondées.