III.2. Secteurs inondés, hauteurs d’eau, secteurs épargnés et différence avec 1840

III.2.a. L’inondation de la Saône

La comparaison des cotes mesurées sur les quais, en eau à peu près calme, lors des pics de la rivière du 5 novembre 1840 et du 21 mai 1856 indique que les niveaux atteints en 1856 furent partout inférieurs à ceux observés en 1840. Cette différence s’explique avant tout par le fait que la rivière a roulé un débit de pointe bien moins élevé en 1856 qu’en 1840. Mais les travaux effectués entre temps ont également permis d’abaisser le niveau des eaux, tout au moins à l’amont de la ville, c’est-à-dire là où le plan d’eau avait été considérablement élevé du fait du rétrécissement de la section mouillée. Par suite des aménagements réalisés pour augmenter le débouché de la Saône, l’écart entre les deux crues s’atténue d’amont en aval, en particulier en aval du Pont La Feuillée ; s’élevant à 2,68 m en amont de Vaise et du chemin de fer de Paris à Lyon, il est encore de 2,45 m en amont du Pont de Serin puis s’abaisse rapidement en aval du pont La Feuillée (2,12 m) : il n’est plus que de 1,12 m au droit de la place de la Préfecture, de 97 cm à l’amont du pont Tilsitt, 80 cm à l’amont du pont d’Ainay, 74 cm à hauteur du viaduc de la Quarantaine alors en construction.

Qu’en est-il alors de la géométrie du champ d’inondation dans Lyon, comparé au maximum extraordinaire de 1840 ?

A Vaise, comme on l’a signalé plus haut, les hauteurs observées sont sans commune mesure avec les niveaux considérables atteints en 1840 : la Saône s’est arrêtée 2,64 à 2,8 mètres plus bas. Ainsi, le champ de l’inondation, s’il reste important, est inférieur à celui de 1840 : les quartiers de la route du Bourbonnais et de Saint-Pierre-de-Vaise sont épargnés. La rivière a cependant envahi les quartiers bas de Vaise délimités à l’est par le chemin de fer de Paris et l’actuelle rue Saint-Simon, et par la route d’Antibes, aujourd’hui rue Marietton, au sud : les quartiers de l’Industrie, de la Gare d’eau, de la Claire, du Chapeau Rouge sont sous les eaux. Le maximum mesuré indique 89 cm dans l’axe du pont Mouton, au carrefour des rues du Pont, de la Gare et de Saint-Cyr, alors qu’on avait au même endroit le chiffre impressionnant de 3,55 m en 1840. Au sud-est, la rue du Chapeau Rouge n’est couverte que par 61 cm, soit 2,64 m de moins qu’en 1840 (3,25 m), tandis que la place de la Pyramide (actuelle place Valmy) n’aura été submergée que de 21 cm, contre 2,8 m seize ans plus tôt.

De la même façon, les différences de niveaux sont importantes dans le quartier de Serin, bien que les niveaux demeurent très élevés : 1,35 m quai de Serin, soit 2,6 mètres de moins qu’en 1840. L’inondation s’est arrêtée seulement quelques mètres en arrière de la limite atteinte en 1840 : presque toute la plaine est inondée.

En rive droite de Lyon, la rive jusqu’aux environs du pont de Serin est touchée, mais sur une largeur plus faible qu’en 1840 : l’eau a seulement envahi l’extrémité aval de la Grande rue de Vaise, avant le pont de Serin, et une partie du quai de l’Observance près de la montée de l’ancienne école vétérinaire. Par contre, de la passerelle Saint-Vincent au pont d’Ainay, l’ensemble des quais et des rues basses adjacentes est touché comme en 1840, mais avec là encore des niveaux moindres : 1,9 m de différence au pied de l’église Saint-Paul, 1,12 m d’écart derrière le cœur de l’église Saint-Jean, où la profondeur de l’eau est de 61 cm. Seules les têtes de ponts restent à sec.

En rive gauche, l’inondation est nettement moins étendue qu’en 1840, date à laquelle la Saône a traversé la Presqu’Ile pour se jeter au Rhône. En 1856, tous les quais sont inondés jusqu’à la place Napoléon (actuelle place Gensoul, en amont du pont Kitchener), à l’exception des têtes de pont, d’altitude plus élevée. Les eaux ont pénétré par les rues desservant les quais Saint-Antoine et des Célestins, inondant également la partie amont de la rue Mercière, allant jusqu’à recouvrir la totalité de la place de la Préfecture et s’avançant jusqu’à celle des Célestins. Ailleurs, les flots ne s’étendent pas au-delà des quais. Par contre, la rivière a envahi toutes les parcelles non encore remblayées du sud-est de la Presqu’Ile, à Perrache, s’avançant à peu près jusqu’à la limite du cours du Midi.

Sur la Saône, les quais et les quartiers voisins ont été inondés pendant 25 jours, en deux phases séparées d’un court répit de 3 jours. Tous les rez-de-chaussée furent évacués, et le commerce fut suspendu pendant plus d’un mois107.

Notes
107.

AML 925 WP227, extrait du rapport présenté par M. Goux le 11 mai 1857